Pier Antonio Panzeri accepte le statut de repenti dans l’affaire du “Qatargate”, un accord qui “limite” sa peine à un an de prison

La rédaction

Je ne ferai pas de commentaires”. Entouré d’une demi-douzaine de caméras, Me Laurent Kennes est resté sourd aux questions des médias, mardi matin au Palais de justice de Bruxelles, où son client, Pier Antonio Panzeri, 67 ans, devait comparaître devant la chambre des mises en accusation. Ce dernier est la figure centrale du dossier d’ingérence et de corruption au sein du Parlement européen, le “Qatargate” qui aurait pu s’appeler aussi le “Marocgate”. Il n’a pas comparu, pour une bonne raison : accompagné de ses avocats, il a signé dans la journée avec le procureur fédéral un accord lui octroyant le statut de repenti. C’est la deuxième fois dans l’histoire judiciaire belge qu’une telle procédure est mise en route. En 2021, elle avait été utilisée pour l’agent de joueur de football Dejan Veljkovic.

Ce que repenti veut dire

En échange d’une peine “effective et limitée” selon le Parquet fédéral, le principal inculpé s’est engagé “à informer les enquêteurs et la Justice notamment sur le modus operandi, les arrangements financiers avec des États tiers, les constructions financières mises en place, les bénéficiaires des structures mises en place et avantages proposés, l’implication des personnes connues ou non encore connues dans le dossier, en ce compris l’identité des personnes qu’il admet avoir corrompues…

Malgré ce statut de repenti, la peine qu’il encourt “comprendra de la prison, une amende et la confiscation de tous les avantages patrimoniaux acquis, évalués pour l’instant à un million d’euros”. Selon son avocat, il s’agit d’une peine de prison de cinq ans, dont un an ferme (soit en prison, soit sous bracelet électronique) et le reste sous forme de sursis. Une amende de 80 000 euros est également prévue.

“Il ne s’attendait pas à être arrêté. Il était respecté. Du jour au lendemain, tout s’écroule.”

– Me Laurent Kennes

Pourquoi a-t-il choisi le statut de repenti? “Il est en prison“, précise Me Kennes . “C’est quelqu’un qui est pour le moins dépressif. Il ne s’attendait pas à être arrêté. Il était respecté. Du jour au lendemain, tout s’écroule. Il reconnaît avoir commis toute une série d’infractions. Il voulait trouver une solution où il savait où il allait aller. C’est pour cela qu’il a choisi d’être repenti”.

Me Kennes blâme les fuites dans ce dossier, qui sont nombreuses – en Belgique, en Italie mais aussi en Grèce. “En 25 ans”, a-t-il dit, “j’ai rarement vu autant de fuites dans un dossier. J’ai appris des éléments du dossier en lisant la presse, des éléments auxquels nous n’avons pas accès. […] Cela nuit à la qualité de l’enquête”. Parce qu’il craint que ces fuites torpillent ses propres investigations, le Parquet fédéral a lancé lui-même fin décembre une enquête. La violation du secret professionnel, c’est trois ans au maximum.

Près d’ 1,5 million d’euros saisis jusqu’ici

Le 11 janvier encore, le groupe de médias grec Skai a révélé le premier interrogatoire par la police belge d’Eva Kaïli, détenue également dans cette affaire. L’eurodéputée grecque y affirme que c’est elle qui a rempli la valise de son père, dans laquelle les policiers ont retrouvé près de 600 000 euros. Elle venait d’apprendre l’arrestation de son compagnon, Francesco Giorgi, et son père était en train de promener sa petite fille. “Je l’ai appelé pour qu’il revienne immédiatement”, a-t-elle dit.

Dans la valise, l’ex-Vice-présidente du parlement européen dit avoir placé dans la précipitation les “affaires” qu’Antonio Panzeri laissait dans leur appartement. On parle ici d’argent, d’un PC et d’un téléphone portable. “Il faisait confiance à 100 % à Francesco et davantage, à son appartement. Je ne sais pas si cela a quelque chose à voir avec mon immunité”. Les enquêteurs ont retrouvé aussi au moins 150 000 euros dans l’appartement d’Eva Kaïli.

Au total, près d’1,5 million d’euros ont été récupérés par les enquêteurs, puisqu’une somme de 700 000 euros a également été retrouvée au domicile de M.Panzeri. Tuyautés par un service étranger, des agents de la Sûreté de l’État avaient pris en photo ces liasses de billets en juillet dernier lors d’une intrusion très discrète à son appartement schaerbeekois : une mesure exceptionnelle qui ne peut être mise en œuvre qu’avec l’accord écrit de l’Administratrice générale de la Sûreté de l’État et après notification de cette décision à la Commission BIM (commission administrative de contrôle).

Même si le juge d’instruction Michel Claise ne dit rien sur son enquête, on sait donc, grâce aux fuites, que le duo Panzeri-Giorgi est au cœur de cette affaire de faits présumés d’organisation criminelle, corruption et blanchiment. L’instruction est encore en cours. L’incertitude risque de se prolonger tant les enquêteurs doivent analyser la masse de données récoltées dans les perquisitions.

Fight Impunity, une ONG paravent

Les enquêteurs s’intéressent à l’ONG Fight Impunity, fondée par M.Panzeri en septembre 2019 alors qu’il terminait une longue carrière d’eurodéputé commencée en 2004. L’ancien secrétaire général de la Chambre de commerce milanaise y a engagé Francesco Giorgi, lui aussi milanais. Parallèlement, cet assistant parlementaire a poursuivi son travail auprès du nouveau président de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et de l’Union du Maghreb arabe, l’Italien Andrea Cozzolino.

Ce petit monde est accusé d’avoir utilisé l’ONG comme un centre de distribution de pots-de-vin en faveur du Qatar, du Maroc et sans doute d’autres pays comme la Mauritanie. Le 10 décembre, selon l’Écho, Panzeri a déclaré aux enquêteurs belges qu’il avait donné près de 120 000 euros à l’eurodéputé socialiste belge, Marc Tarabella, en plusieurs fois, pour son aide dans des dossiers qui intéressent le Qatar.

L’émirat dément toute implication de son gouvernement dans cette affaire. Les perquisitions menées par la police fédérale et l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC), ont eu lieu, le 9 décembre, au lendemain d’une réception que tenait l’ambassade du Qatar à l’hôtel Steigenberger à l’occasion de la fête nationale de l’émirat, et en pleine coupe du monde de football.

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