L’administration marocaine – Deuxième partie :

Aux U.S.A comme en Europe, il n’y a pas une personnalité politique importante qui n’évoque la nécessité d’une réforme, en faisant des propositions, de l’Etat et de l’Administration publique.

Réforme de l’Etat ou réforme administrative

La décomposition de l’Administration publique en multiples secteurs dissemblables, et la dispersion qui en résulte, ne justifient-elles pas la comparaison de l’administrateur moderne  pénétrant presque tous les recoins du corps social, avec le chirurgien, appelé à intervenir dans le corps humain dans sa totalité ? Cependant, si ce dernier n’intervient qu’en cas de crise, l’action administrative est quotidienne, continue, incessante, envahissante, astreignante. D’où les difficultés à appréhender l’ensemble cohérent de la matière administrative.

Alors, que faire face à la situation problématique de l’administration marocaine dont la lourdeur et le blocage bureaucratiques sont démesurément pesants ? C’est la grande interrogation à laquelle doivent répondre impérativement les Marocains en ce début du 21ièmesiècle. Mais avant d’aborder la question de la réforme administrative au Maroc, il convient de rappeler que la crise dans laquelle se débat aujourd’hui l’Administration publique au Maroc n’est que le reflet de l’état de l’Etat marocain. C’est pourquoi, avant d’aborder la question de la réforme de l’Administration publique marocaine, nous avons préféré traiter très brièvement celle de l’Etat marocain.

Réforme de l’Etat

L’Etat marocain d’aujourd’hui n’est-il pas l’émanation du Makhzen qui avait accepté de soumettre ses structuresadministratives traditionnelles au protectorat français ? Celui-ci n’avait-il pas regroupé celles-là sous l’appellation de ‘’Makhzen chérifien’’, une sorte d’Etat dédoublé procédant de l’Etat de protectorat français et de ‘’l’Etat chérifientraditionnel’’ ? Ainsi donc, au lieu de remplacer carrément le vieux Makhzen par un Etat moderne, le protectorat s’est contenté de flanquer le Makhzen d’une administration technique dirigée pratiquement par des Français, mais gouvernant au nom du Sultan. D’où le  dédoublement de la compétence de l’Etat marocain de l’époque du protectorat qui était défini par l’interaction entre les fonctionnaires français et les agents du Makhzen. Toutefois, en dépit de la fin du protectorat français, l’Etat marocain continue toujours d’être caractérisé par un bicéphalisme consistant en la coprésence des structures institutionnelles traditionnelles du Makhzen chérifien, et des structures bureaucratiques héritées du protectorat français qui sont subordonnées à l’Etat Makhzen.  

Cependant, cet Etat bipolaire est obligé de changer de statut malgré la résistance des forces réactionnaires et conservatrices qui tentent de faire perpétuer cahin-caha la position suréminente du pôle de l’Etat-makhzen actuel. Tôt ou tard, celui-ci va se subordonner à la société civile ou à ceux qui parlent en son nom. Toutefois, les changements qui vont inéluctablement intervenir sous la pression de la rue poseront la question de savoir comment l’Etat s’adaptera à cette évolution dans la vie socio-économique et politique. D’autant plus que la rue qui essaie d’exercer son influence sur l’Etat pour le forcer à changer, agit de plus en plus indépendamment des partis traditionnels devenus des coquilles vides, et des mouvements syndicaux auxquels elle fait de moins en moins confiance et ne compte plus que sur sa propre solidarité !

Au delà de cet aspect problématique important, les rapports entre l’Etat bicéphale et la société qui ne cessent de se modifier, nécessitent une redéfinition du rôle de l’Etat. Au lieu d’un Etat dépassé qui sort de plus en plus de l’usage tant à l’échelon national qu’au niveau international, le royaume du Maroc a besoin d’un Etat moderne qui assure efficacement ses missions. Mais comment y parvenir, alors que la plupart des réformes échouent parce qu’elles se heurtent à des obstacles, jusqu’ici insurmontables, de l’inertie administrative et de ses fonctionnaires et ses employés corrompus et sans vertu patriotique. Alors, par quels moyens et par quelles voies, une réforme de l’Etat peut-elle avoir quelques chances d’aboutir ?

Pour répondre à cette question cruciale dont dépend l’avenir du royaume du Maroc, il faut doter le pays d’institutions réellement démocratiques donnant au peuple tous les pouvoirs lui permettant de gérer dignement ses affaires. Aussi faudra-t-il procéder, sans tomber dans la précipitation, à des élections libres, loyales et mûrement réfléchies pour choisir un parlement représentatif. Ainsi nous devrions-nous d’abord et avant tout de nous consacrer à poser les bases réelles de la démocratie en laissant les polémiques et les ‘’tournois’’ électoraux pour plus tard et en  unissant tous nos efforts pour faire face aux problèmes de l’édification d’un Maroc nouveau et démocratique conforme aux aspirations de son peuple et de ses institutions et aux exigences de la période que nous vivons.

C’est pour cela que nous demandions la constitution d’un gouvernement de coalition nationale homogène ayant la confiance du peuple, si confiance existe encore, constitué sur la base d’un programme immédiat et qui aurait pour mission de superviser et de contrôler les élections. Pour cela, il faudra établir un calendrier échelonnant les diverses consultations : élections municipales et communales, professionnelles, législatives, etc.

Le nouveau parlement qui sera installé aura pour tâche de doter le royaume du Maroc d’une nouvelle constitution fondée sur la monarchie parlementaire ; un nouveau gouvernement sera également constitué sur la base des résultats définitifs et sera indiscutablement représentatif. Les élections ne sont pas une fin en soi, car le but est d’abord de faire entrer la démocratie dans la vie et dans les institutions que de les afficher sur les lieux publics. C’est ainsi seulement que toutes les couches du peuple marocain puissent s’exprimer et participer activement à la gestion des affaires du Maroc. Que la composante makhzénienne de l’Etat marocain bicéphale qui veut réduire le peuple marocain à la docilité, à la passivité et au silence se rende à l’évidence que celui-ci qui est plein d’initiative, de dynamisme, désire absolument participer au pouvoir.

En résumé, que le pôle makhzénien de l’Etat marocain sache qu’un peuple frustré, brimé, persécuté, humilié, opprimé, n’est pas à l’abri de l’aventure, du désordre, de l’instabilité et du chaos.

A suivre…

Saïd CHATAR      

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