Le Salon professionnel « Esprit Matières » Minyadina » ou l’art de vivre à la marocaine

Sous le Haut Patronage de SM le Roi Mohammed VI, le Ministère du Tourisme, du Transport aérien, de l’Artisanat et de l’Economie Sociale et la Maison de l’Artisan ont organisé, du 6 au 10 décembre 2017 à l’espace OLM-Souissi de Rabat, en partenariat avec la Fédération des Entreprises de l’Artisanat, le Salon « Minyadina », salon de l’art de vivre à la marocaine.
L’objectif du Salon est la promotion des produits artisanaux pour que les artisans marocains puissent exporter vers l’étranger.
Mais aussi la consolidation de l’image de marque de l’Artisanat du Maroc, la redynamisation de la commercialisation des produits de l’Artisanat et le drainage des visiteurs professionnels.
Le Salon compte des entreprises d’artisanat, des artisans individuels de petite structure, autrement dit des entreprises unipersonnelles, l’atelier de l’artisan, mais également des coopératives structurées. Cuir de chèvre, bijouteries du Sahara, « Hayk » de Tata, tissus pour djellabas, caftans, porcelaine, luminaires, coussins sur tissu peint à la main, produits à base d’argan, porcelaine, zellije… Tous les métiers artisanaux étaient représentés et de toutes les régions du Maroc : Rabat, Fès, Marrakech, Casablanca, Taroudant, Tata, Laâyoun, Guelmim, Kénitra, Salé…Tout est créativité, innovation et recherche dans tous ces produits exposés.
Dans le cadre de la 5ème édition du Salon de l’artisanat organisé à Rabat, M. Ilias Bentalha, Responsable de la Direction de prospection et du développement commercial, nous a été d’une aide précieuse, faisant office de guide, pour un temps, nous faisant faire le tour des stands, expliquant certains métiers, le travail des artisans, montrant la créativité des produits modernisés…. A savoir que les trois premières éditions ont été organisées à Casablanca et que la quatrième était à Marrakech dans le cadre de la COP 22.
L’espace de l’exposition, étalé sur 4000 mètres carrés, sans compter les espaces réservés aux conférences et à la restauration, compte 92 exposants, dont deux exposants étrangers de produits d’artisanat marocain, a relevé M. Bentalha. C’est un Salon professionnel d’artisanat pour les contacts Be to Be, pour prise de commandes et non une foire commerciale où la vente est directe. Parmi les pays présents : le Sénégal et le Mali. Une autre délégation composée d’Américains, d’Allemands et de Japonais est venue pour le Be to Be, pour les relations commerciales avec les exposants du salon.
Pour toute animation du Salon, les artisans au travail, le visiteur a ainsi une approche directe de l’ouvrage fait-main exposé au stand. Mais aussi, des conférences en relation avec le développement de l’artisanat au Maroc : sur le marché américain, sur la labellisation puisqu’il y a un label développé par le ministère qui garantit le produit artisanal (fait-main) de l’entreprise.
Problématique de la commercialisation des produits artisanaux
En parlant aux artisans et petits producteurs, il s’est avéré que ce secteur est confronté à plusieurs problématiques concernant la commercialisation de leurs produits, d’abord dans notre pays, mais aussi pour ce qui est de l’exportation. Les artisans ont soulevé le fait que, outre le secteur des tapis, qui marche bien d’ailleurs, les autres petits producteurs paient la TVA, ce qui est grave. Si le produit augmente, personne n’achète, sachant que, actuellement, les citoyens marocains ne sont pas preneurs, pour la plupart. Le ministère de l’Artisanat devrait protéger les artisans, les encourager pour qu’il y ait fluidité de commerce et donner même une subvention pour certains, afin de sauvegarder le patrimoine. Il est inconcevable que le tapis marocain soit exonéré de la TVA alors que la poterie ou autres métiers fait-main la payent. La TVA augmente le prix d’achat, ce qui pénalise le consommateur de 20% et le pousse à aller acheter, ailleurs, tout ce qui fait concurrence, inesthétique et vers tout ce qui est informel. En Europe, un artisan est subventionné par l’Etat, on privilégie son produit, il ne paye pas de TVA. On ne devrait pas se demander pourquoi il y a une crise au niveau de l’artisanat, que ce soit à Fès, Marrakech ou Safi. Il y a actuellement des unités de production artisanale qui ne peuvent pas exporter. D’ailleurs, côté concurrence, il faut mentionner que certaines personnes amenaient des « blaghi » ou babouches de la Chine et les faisaient passer pour des produits fait-main marocains. Seulement, le ministère s’en est rendu compte, a réagi et arrêté ce plagiat, d’où le label du ministère de l’authenticité des produits artisanaux.
La porcelaine, l’une des meilleures au monde, à préserver
Messieurs Serghini, l’un de Fès et l’autre de Safi, exposent leurs produits, d’une beauté infaillible, minutieuse, de la porcelaine haut de gamme, de plusieurs coloris, traditionnelle et moderne : grands vases, services de table et autres, chacun a montré la différence entre les produits des deux villes et la façon de production.
M. Serghini de Fès : ce potier relève que tout le travail manuel se fait par des artisans marocains, dans une coopérative de Fès, avec de la pâte blanche quand il s’agit de la porcelaine. D’autres produits sont importés de l’étranger. Il y a trois variétés de céramique de Fès dont celles cuites 3 fois et 2 fois pour que les couleurs ne se dispersent pas. Pour bien finir le travail, il faut cuire la pâte cuite moulée, former le biscuit, faire la première ornementation, l’émaillage ou le doré. Chaque chose demande une température déterminée, c’est un travail très minutieux où il y a risque de chocs thermiques, de cassures et qui demande une finesse de dessins. Tous les produits de Fès sont ornés du croissant et de l’étoile, c’est une tradition ancienne, un motif royal qui représente les armoiries marocaines. Le roux de la couleur est magnifique, c’est le roux sang de bœuf, tous les motifs sont porteurs de filets d’or. C’est très beau.
M. Moulay Ahmed Serghini de Safi, designer en céramique, une marque qui perce depuis 1832, il est de la 7ème génération de potiers de Safi qui font du travail de création. La plupart de la matière première est marocaine et les substances sont fabriquées par nous-mêmes, relève-t-il, pour avoir nos couleurs que vous ne trouverez nulle part. Afin de satisfaire les clients, on essaie d’œuvrer entre la tradition et le moderne, malgré tout, la tradition l’emporte. On travaille avec de l’or et du platine, des métaux précieux qui donnent un bel ornement, de l’argile blanc dans le cas du noir et autre pour avoir certaines finitions. On essaie de styliser un peu nos dessins : « touriq » qui représente tout ce qui est floral, des motifs géométriques berbères, des motifs rifains et ceux « zayans » souvent géométriques. Pour ce qui est des motifs typiquement safiots ou « tboue », c’est une représentation qui se répète, le suivi qui a son cachet unique au monde, très varié et très diversifié. Ce qui démarque la poterie de Safi, c’est qu’elle est riche en formes et en couleurs. Les prix sont fonction des dessins. L’artisan met 20 jours ou plus pour un ensemble service d’une soixantaine de pièces et est payé entre 150 à 200 dhs par jour. La porcelaine marocaine est confrontée à la concurrence des pays asiatiques. Ils amènent un produit copie de l’artisanat marocain et le vendent dans notre pays. Dans un coin de Chine à Casablanca, une assiette poterie de motif « fassi », 35cm se vend à 20dh, alors que l’artisan lui coûte entre 35 à 40 dhs rien que pour la façonner. L’Etat devrait bloquer toute concurrence de ce genre pour protéger les vrais artisans.
En organisant ce genre d’évènement, un Salon artisanal pour exposer des échantillons de chaque produit, destinés aux clients à un dessein d’export, l’Etat fait de gros efforts pour l’artisan. Il faut savoir qu’à Safi, 75% des potiers ont fermé, l’avenue des potiers est presque vide. Il y a de vrais maâllems qui ont changé de métiers pour faire vivre leurs familles.
Quand des étrangers s’installent au Maroc et font la promotion de nos produits artisanaux
Certains étrangers venus s’installer au Maroc ont contribué à développer certains aspects de l’artisanat. Pendant un certain temps, l’artisanat était négligé et c’est grâce aux étrangers, en tant que consommateurs, qu’un boost a été donné, en plus de la politique du développement de l’artisanat.
Emmanuel Cavaniol et sa femme Lita Fashionata sont installés à Agadir et produisent sous la marque « Esprit Matières ». La femme est créateur styliste de laine et lui travaille sur les luminaires, à partir de matière noble, le bois, le métal qu’il conçoit et fait travailler par les petits artisans de la région du Souss. Styliste de mode à la base, Lita a son propre atelier, elle fait également dans le style maison et accessoires qu’elle conçoit, en inspiration des produits marocains, mais revisités. Elle travaille avec des artisans berbères qui ne font que le travail à la main, dans tout ce qui est décoration. Les femmes de l’association tissent à la main des foulards qu’elles portent au quotidien et qu’elles utilisent comme chemin de lit, housse de coussins…. Ils sont soit 100% coton, soit coton et soie mélangé, avec du travail de crochet accroché dessus, ce qui donne un look moderne et réinventé sans que cela ne nuise à la culture berbère.
Philippe et Sabine Luciani de Strasbourg, architectes d’intérieur, sont installés depuis 14 ans à Essaouira et ont une entreprise qui fait travailler 12 Marocains, sur du bois et métal. Les matériaux employés viennent du Maroc, les portes anciennes émanant de différents endroits du Maroc sont revisitées et se font connaître dans le monde entier. Il y a 12 ans, 80% d’Européens et 20% de Marocains étaient acheteurs de ces produits. 12 ans après, c’est plutôt l’inverse qui se produit, la clientèle est à 85% marocaine et 15% européenne. Aujourd’hui, les Marocains commencent à connaître et à apprécier le bois naturel et l’on supprime de plus en plus les salons marocains et on les remplace par des salons européens et des bureaux. On a la possibilité de faire de très belles décorations dans la mesure où les espaces sont magnifiques, il y a beaucoup de chaleur, tous les meubles ont été dessinés, fabriqués et posés. C’est un retour vers le naturel : le plafond en bois, le tapis touareg…

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