Elections 2024 : les signes religieux raniment les tensions préélectorales

B.El Bazi

Le ton monte entre DéFI et MR d’un côté, Ecolo de l’autre, au sujet de la neutralité de la fonction publique. Les premiers accusent le second d’être le relais de l’islam politique.

Le débat houleux né à Anderlecht au sujet du port des signes convictionnels dans l’administration semble avoir installé la question de l’islam politique dans la campagne électorale à Bruxelles.

Point de départ, une motion Ecolo/Groen, tous deux dans la majorité anderlechtoise, visant l’autorisation généralisée des signes convictionnels dans l’administration locale, fonctions d’autorité comprises donc. Il s’agit surtout d’en faciliter l’accès aux femmes n’estimant pas pouvoir retirer leur voile au travail. Une position qui n’était pas celle de leurs partenaires PS (pour l’autorisation hors fonctions d’autorité et postes en contact avec le public) et DéFI (tenant d’une interdiction totale), cosignée de surcroit par l’opposition PTB rendant l’incident politique inévitable.

L’initiative anderlechtoise a d’autant plus surpris qu’elle allait plus loin que la position officielle un brin ambiguë d’Ecolo. Celle-ci défend toujours « la liberté de porter un signe convictionnel dans la fonction publique, à l’exception des fonctions d’autorité pour lesquelles une interdiction peut se justifier », confirme le parti.

Déplorant un « coup de force » à Anderlecht, François De Smet, président de DéFI, a dénoncé «”un projet communautariste », estimant qu’Ecolo était « le relais de l’islam politique » .

« Aujourd’hui, Écolo, pour des raisons électorales, est devenu un agent de l’islamisme radical, l’islamisme politique », estime-t-il.

Forces obscures?

Face à Olivier Maingain, bourgmestre DéFI de Woluwe-Saint-Lambert , Marie Lecocq, députée bruxelloise Ecolo, dénonçait un « dérapage grave » dans le chef de François De Smet, soutenu à son tour par Maingain. « Je sais ce que sont les forces obscures de l’islamisme politique », lançait-il en évoquant des pressions religieuses sur certaines jeunes filles de sa commune. « Le frérisme musulman est en train de s’infiltrer dans différents cercles de décision », appuyait-il. De l’entrisme frériste chez Ecolo? « Poser la question est injurieux, le sous-entendre, c’est s’exposer à des poursuites », répliquait Marie Lecocq.

Le parti Ecolo assure à L’Echo qu’il n’ira pas en justice. Mais, climat électoral aidant, le match de ping-pong devient révélateur. « Cela va être une thématique de la campagne », indique Caroline Sägesser (Crisp), spécialiste des cultes. Les questions de neutralité et de laïcité étant « plus importantes à Bruxelles que dans les deux autres régions » en raison d’une présence musulmane forte et du poids du mouvement laïc dans son histoire.

« Quand on convoque le racisme pour s’opposer à une certaine vision de la neutralité, on va trop loin.

 

« Quand on convoque le racisme pour s’opposer à une certaine vision de la neutralité, on va trop loin, quand on accuse Ecolo d’être le suppôt de l’islam politique, on va aussi trop loin », analyse-t-elle. La chercheuse constate la présence du mouvement frériste à Bruxelles, mais n’a « jamais vu aucune étude démontrant une démarche concertée pour imposer une vision de l’islam dans la politique ».

Djemila Benhabib, fondatrice du collectif Laïcité Yallah (émanant du Centre d’action laïque), très en pointe sur cette question, n’est pas d’accord. Pour elle, le lien entre Ecolo et l’islam politique « est largement documenté », twittait-elle en citant plusieurs mandataires écologistes qui « militent en ce sens depuis des années ».

Alors que la ministre fédérale Zakia Khattabi se prononçait « à titre personnel »  pour l’autorisation du voile pour les policières en uniforme, Ecolo semble en pleine réflexion sur la notion de fonction d’autorité en vue du scrutin de juin 2024. Le parti ne veut pas commenter le récent arrêt de la Cour européenne de justice estimant que l’interdiction des signes convictionnels dans l’administration ne constitue pas une discrimination, contrairement à ce qu’affirment nombre d’élus écologistes.

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