Belgique : la ministre Annelies Verlinden refuse de reconnaître le nouveau Conseil musulman
Bouchaib El Bazi
La ministre belge de la Justice, Annelies Verlinden (CD&V), a annoncé ce mercredi qu’elle ne reconnaîtra pas le nouveau Conseil musulman, récemment élu fin mai. Motif invoqué : des doutes persistants sur son “niveau de représentativité”. Une décision qui prolonge d’un an le mandat du Conseil musulman temporaire mis en place en 2023 et qui suscite de vives réactions au sein de la communauté musulmane et de la classe politique.
Des élections sous condition
Le Conseil musulman, organe représentatif de la communauté musulmane en Belgique, a vu le jour en 2023 à la suite de la dissolution de l’Exécutif des Musulmans de Belgique (EMB) par le ministre de la Justice de l’époque, Vincent Van Quickenborne (Open VLD). Cette dissolution faisait suite à des alertes des services de la Sûreté de l’État concernant des ingérences étrangères, notamment en provenance de la Turquie et du Maroc, ainsi qu’à des accusations d’extrémisme et de manque de diversité, notamment en ce qui concerne la représentation des femmes.
Dans ce contexte, un Conseil provisoire avait été instauré pour restaurer la confiance et préparer la mise en place d’une nouvelle structure plus transparente. Ce Conseil temporaire avait pour mission d’organiser des élections démocratiques avant une reconnaissance officielle par le gouvernement fédéral. Les élections ont bien eu lieu fin mai, mais le nom des élus n’a pas été rendu public, la reconnaissance du Conseil restant conditionnée à l’approbation de la ministre Verlinden, dont la date butoir était fixée au 25 juin.
Une décision qui prolonge l’incertitude
Dans un communiqué diffusé ce mercredi, Annelies Verlinden annonce sa décision de ne pas reconnaître pour l’instant les résultats de ces élections, estimant que des “questions subsistent sur l’adhésion réelle des mosquées au processus”. Selon un rapport interne présenté par le Conseil musulman lui-même, environ 60 à 65 % des mosquées belges auraient participé. Pour la ministre, cela reste insuffisant : “Il est important désormais de poursuivre les efforts en matière de représentativité, de transparence et d’ouverture.”
En conséquence, le mandat du Conseil musulman provisoire est prolongé d’un an, repoussant de facto la reconnaissance des nouveaux représentants.
Vives critiques et inquiétudes
La décision ministérielle n’a pas tardé à faire réagir. Paul Van Tigchelt, successeur de Van Quickenborne et actuel ministre fédéral (Open VLD), a exprimé sa désapprobation :
« Le Conseil musulman a rempli sa mission, organisé des élections en bonne et due forme, et ses membres doivent être installés après un processus de vérification. La ministre remet à plus tard une réforme pourtant essentielle. »
Il s’interroge également sur la nature des « étapes supplémentaires » évoquées par la ministre, alors que certains partenaires de la coalition, dont le MR, s’inquiètent de potentielles influences des Frères musulmans.
De son côté, Esma Uçan, première présidente du Conseil musulman temporaire, n’a pas souhaité se représenter lors des élections de mai. Elle avait souligné à l’époque, sur Radio 1, que son mandat était transitoire :
« Ce n’était pas notre objectif de nous installer durablement. Nous tenons parole. Je ne vois pas pourquoi la ministre ne reconnaîtrait pas le nouveau Conseil. Refuser cette reconnaissance serait désastreux pour la confiance au sein des communautés musulmanes. »
Un organe clé pour l’islam de Belgique
Le Conseil musulman joue un rôle crucial dans la structuration de l’islam en Belgique. Il est notamment chargé de l’instruction des demandes de reconnaissance des mosquées, de l’organisation de l’enseignement religieux dans les écoles, et de la sélection et la formation des imams.
Dans un climat marqué par la méfiance, les enjeux autour de sa légitimité dépassent la simple représentativité électorale. C’est toute la relation entre l’État belge et sa communauté musulmane – estimée à plus de 600 000 personnes – qui se joue ici, à travers un équilibre délicat entre transparence, indépendance religieuse et sécurité nationale.
À suivre : les conséquences politiques de ce blocage et les réactions attendues des fédérations musulmanes régionales.