Quand l’Algérie sous-traite son embarras : le plan “balancer le Polisario chez le voisin”

Bouchaib El Bazi

Par un concours de cynisme parfaitement rodé, le président algérien Abdelmadjid Tebboune aurait proposé à son homologue tunisien Kaïs Saïed d’accueillir sur le territoire tunisien… quelques figures encombrantes du Polisario. Oui, vous avez bien lu , après les avoir armés, logés, médiatisés, exhibés, voilà que l’Algérie envisage désormais de les externaliser. Pas par lassitude morale, non. Par pur instinct de survie diplomatique.

Le scénario n’a rien d’une farce , selon le magazine Jeune Afrique, une discussion fort opportunément glissée entre deux vœux de l’Aïd aurait porté sur un sujet plutôt explosif , le devenir de certains cadres de la “République Sahraouie”… en cas de future désignation du Polisario comme organisation terroriste par des instances internationales. Washington y réfléchirait sérieusement. À Alger, on commence à sentir la sueur sous les képis.

Un cadeau bien empoisonné pour Carthage

C’est donc vers Tunis que les regards militaires algériens se tournent, comme on cherche à refiler une patate chaude à un voisin sous anesthésie économique. Le marché ? Quelques titres de séjour tunisiens contre un coup de pouce au portefeuille, une relance du port de Zarzis, et quelques cargaisons de fret iranien en prime. Dans le monde de Tebboune, cela s’appelle un partenariat stratégique. Dans celui de Saïed, on appelle ça… un pari à très haut risque.

Car enfin, accueillir des dirigeants d’un groupe sous surveillance mondiale pour terrorisme potentiel, sur fond de marchandages gaz-électricité, cela frôle l’art brut de la géopolitique opportuniste.

Tunisie : vassale ou complice involontaire ?

On le sait , la Tunisie post-révolutionnaire tangue comme un navire en pleine tempête budgétaire. Isolée des bailleurs de fonds internationaux, elle se cramponne au parapluie algérien pour survivre. Le gaz, l’électricité, quelques enveloppes discrètes : Alger tient les clés d’une stabilité artificielle.

Mais à quel prix ? En 2022, l’accueil du chef du Polisario Brahim Ghali à Tunis lors du sommet Ticad avait déjà déclenché une onde de choc diplomatique avec Rabat. Deux ans plus tard, l’histoire semble vouloir se répéter, version clandestine. Cette fois, il ne s’agit plus de protocole mais d’exfiltration politique maquillée en hospitalité.

L’Algérie, entre GAFI et faux semblants

Ce jeu de passe-passe n’est pas anodin. Depuis son inscription en octobre 2024 sur la liste grise du GAFI, l’Algérie cherche désespérément à redorer son blason financier. Le timing est parfait , éviter que l’ombre du terrorisme ne vienne gâcher les efforts cosmétiques entrepris auprès de l’Union européenne.

Le hic ? On ne nettoie pas un casier diplomatique en refilant les suspects à son voisin. Et ce n’est pas en expulsant les leaders du Polisario à l’étranger qu’on efface quarante ans de financement, d’armement et d’accueil sur le sol algérien. L’ardoise est trop lourde. L’hypocrisie, trop visible.

Le Maghreb, théâtre d’une tragicomédie stratégique

Ce feuilleton en plusieurs actes n’est qu’un épisode de plus dans la stratégie de contournement de l’Algérie. Quand elle ne peut plus défendre frontalement le Polisario, elle le dissimule. Quand le discours ne passe plus à l’international, elle déplace le décor.

Et pendant ce temps, le Maroc engrange les reconnaissances diplomatiques, signe des accords, accueille des investissements, et voit fleurir les consulats dans ses provinces du Sud. L’histoire avance. L’Algérie, elle, recule… ou plutôt délègue ses embarras à un voisin pris au piège de sa propre faiblesse.

Quand on cache la poussière sous le tapis… tunisien

L’idée de transférer les cadres du Polisario à Tunis ne relève pas de la stratégie. C’est une fuite en avant. Une tentative désespérée d’échapper à la réalité , la guerre du Sahara est perdue, diplomatiquement et moralement.

Et si demain le Polisario est désigné comme entité terroriste, ce ne sont pas les kilomètres parcourus jusqu’en Tunisie qui effaceront l’évidence , le parrain, le bailleur, le protecteur historique… c’est bien Alger. Et cela, aucune carte de séjour n’y changera rien.

« Quand on ne peut plus laver son linge sale chez soi, on le jette discrètement chez le voisin. »

— Proverbe maghrébin revu par les stratèges d’El Mouradia

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