Georges-Louis Bouchez, Toujgani et la tentation du micro : chronique d’une indignation à géométrie variable
Bouchaib El Bazi
Il a suffi qu’un homme débarque à Zaventem pour que Georges-Louis Bouchez remette sa cape de justicier national. L’imam Mohamed Toujgani est de retour ? Scandale ! Catastrophe ! Affront à la Belgique ! Il ne manquait plus que le générique d’une série Netflix dramatique pour accompagner la sortie enflammée du président du MR .
« On n’aurait jamais dû lui accorder la nationalité belge, c’est un scandale ! »
Ah, Georges-Louis… Toujours prompt à dégainer l’indignation, surtout quand elle rime avec électorat.
Le Toujgani-gate : retour d’un fantôme… bien vivant
Petit rappel pour les distraits , Mohamed Toujgani, imam d’origine marocaine, officiant à Molenbeek depuis des années, avait été expulsé en 2021 sur la base de rapports de la Sûreté de l’État. Soupçons de radicalisme, d’espionnage présumé pour le Maroc, de thé à la menthe trop corsé… on ne sait plus très bien.
Mais voilà , l’expulsion a été invalidée. Aucun tribunal n’a confirmé ces accusations. Pire , la Belgique, qui lui avait accordé la nationalité en bonne et due forme, n’a jamais réussi à prouver quoi que ce soit de suffisamment sérieux pour justifier une déchéance. Alors le bonhomme est revenu, avec passeport belge en poche, comme tout citoyen qui revient d’un long voyage (forcé).
Bouchez, le shérif de l’islam imaginaire
Et c’est ici que Georges-Louis entre en scène. Il ne rate jamais une occasion de parler d’« islamisme », surtout quand les micros sont bien tendus. L’indignation calculée, le regard perçant, le tweet bien dosé , tout est prêt pour le grand numéro.
Mais au fond, que reproche-t-il à Toujgani ? D’être revenu ? D’avoir été naturalisé ? D’avoir une barbe trop bien taillée ? Si le président du MR trouve que c’est un scandale qu’un Belge revienne en Belgique, il faudrait peut-être songer à réécrire la Constitution.
Pire encore , cette sortie révèle une vérité gênante. Pour Bouchez, la justice est bonne… sauf quand elle ne va pas dans son sens. Le Conseil du Contentieux des Étrangers n’a pas confirmé les accusations ? Détail. Il fallait expulser d’abord, prouver ensuite. Et tant pis pour l’État de droit.
Molenbeek, l’épouvantail préféré des populistes en cravate
Bien sûr, Molenbeek reste le terrain de jeu préféré de ceux qui veulent faire vibrer la fibre sécuritaire sans trop s’embêter avec les faits. Toujgani y a prêché pendant des années sans que la moindre procédure judiciaire ne vienne l’inquiéter. Mais dans l’imaginaire de certains politiciens, un imam à Molenbeek, c’est toujours suspect. Même s’il parle français, prône la paix, et respecte la loi. Même s’il a été expulsé sans procès, puis réhabilité sans excuses.
Parce que dans cette pièce, la présomption d’innocence est facultative… surtout si elle contrarie la stratégie électorale.
Un scandale, vraiment ?
Oui, il y a un scandale. Mais ce n’est pas le retour de Toujgani. C’est le fait qu’un responsable politique s’attaque aussi frontalement à un citoyen belge sans qu’aucune preuve solide ne soit jamais rendue publique.
Le vrai scandale, c’est d’instrumentaliser la peur de l’islam pour gagner des points dans les sondages. C’est d’oublier que le droit belge s’applique à tous, y compris aux imams. C’est de faire passer des frustrations politiques pour des principes républicains.
Et maintenant ?
Maintenant, Toujgani est là. Il est belge. Il est libre. Et il a même eu droit à un comité d’accueil. Si Georges-Louis Bouchez veut vraiment lutter contre l’extrémisme, il ferait mieux de commencer par le sien , celui qui transforme chaque micro tendu en tribune contre une partie de ses concitoyens.
Parce que le jour où on commencera à retirer la nationalité pour des soupçons sans preuves, il faudra que chacun vérifie son casier… et son dernier tweet.
« Le populisme, c’est crier au loup quand on n’a plus rien à dire sur l’économie. »
– Un vieux sage de Molenbeek (ou peut-être un chauffeur de taxi très inspiré)