Dans un pays où les vautours ne survolent plus les charognes, mais les institutions, il ne suffit plus de dénoncer les ennemis de l’extérieur. Il faut enfin oser nommer ceux qui trahissent de l’intérieur — parfois en costume-cravate, toujours dans le confort du silence complice.
Pendant que les services de sécurité, la diplomatie, la justice et les services de renseignement du Royaume font face à une attaque organisée, méthodique, internationale, notre Premier ministre, lui, contemple probablement un tableau Excel. Il faut dire que pour Aziz Akhannouch, l’exercice du pouvoir ressemble moins à une responsabilité constitutionnelle qu’à une belle fiche de paie. Ni déclaration, ni indignation, ni action : l’homme semble avoir compris le rôle de chef de gouvernement comme un “package” électoral, pas comme le bouclier de la souveraineté nationale.
Souvenez-vous, c’est bien lui qui, dans un éclair de délicatesse, avait suggéré qu’il faudrait “rééduquer les Marocains mal éduqués”. On aurait aimé qu’il réserve un peu de cette virilité lexicale aux cybercriminels, délinquants numériques et autres faussaires de l’exil, comme le tristement célèbre Hicham Girando — condamné à 15 ans de prison pour constitution de bande terroriste et incitation à l’assassinat — qui continue, en toute impunité, à cracher son fiel depuis le confort canadien.
Mais le plus grave n’est pas le vacarme de l’ennemi. C’est le mutisme de ceux censés nous défendre.
Aucun communiqué, aucune indignation, aucun geste. Rien. Le vide. Le désert. Le silence politique élevé au rang de doctrine.
Du côté des partis politiques, on aurait pu espérer un sursaut. Las. À part quelques envolées lyriques d’Abdelilah Benkirane, qui a récemment jugé bon de s’attaquer à l’institution militaire dans un moment de lucidité populiste — ou de délire opportuniste — c’est silence radio. Les autres formations ? Entre couardise, calcul et coma profond. Pas une seule déclaration lorsque l’institution royale a été visée. Pas un mot quand des hauts responsables de la sécurité ont vu leurs noms, visages et familles jetés en pâture sur internet.
Les partis politiques sont censés encadrer, former, alerter, proposer, expliquer. Ils se contentent désormais de consommer de l’argent public et de produire… du néant.
Et le vide, comme on le sait, ne reste jamais vide très longtemps.
Il est désormais comblé par des influenceurs illuminés, des pseudo-révélateurs de secrets d’État, des spécialistes autoproclamés de “l’intérieur du système” — qui n’ont parfois jamais mis les pieds dans une mairie, mais se découvrent chaque jour une passion nouvelle pour les théories du complot.
Ceux qui devraient animer le débat public, le cadrer, l’élever, l’ont abandonné. Résultat , le citoyen lambda est livré aux marchands de colère, aux agitateurs d’émotions, à une propagande virale bien plus performante que n’importe quel tract partisan.
Pendant ce temps, les institutions se débattent seules.
Il ne s’agit pas ici de demander aux partis de jouer aux perroquets du pouvoir, ni aux responsables politiques de s’incliner devant les appareils d’État. Mais à défaut d’honneur, qu’ils fassent au moins leur métier , défendre la stabilité quand elle est attaquée, et participer à la construction d’un espace public sain, ouvert, critique, mais patriote.
Qu’un chef du gouvernement reste muet pendant qu’on insulte les fondements mêmes de l’État qu’il est censé incarner… cela dépasse la paresse. C’est une reddition.
Qu’un parti politique n’ait rien à dire quand la souveraineté nationale est prise pour cible… cela n’est pas de la prudence. C’est de la lâcheté.
Et qu’une classe politique entière laisse à un escroc numérique, en fuite à l’étranger, le soin de dicter l’agenda émotionnel de toute une jeunesse, cela ne relève plus de l’erreur de casting , c’est une faute historique.
Le complot existe, oui. Mais la vraie menace, ce n’est pas le hurlement du traître. C’est l’écho de son silence dans les palais du pouvoir.
« Les nations ne meurent pas sous les coups de leurs ennemis. Elles s’effondrent dans le silence de leurs élites. » – Un proverbe qu’Aziz Akhannouch n’a visiblement pas encore lu.