À Londerzeel, le racisme a désormais une porte d’entrée… et une autre de sortie
Bouchaib El Bazi
Si vous êtes d’origine maghrébine, que vous avez envie d’un yaourt nature ou d’une brique de lait demi-écrémé, ne vous avisez surtout pas d’entrer par la mauvaise porte. À Londerzeel, dans la paisible périphérie bruxelloise où le lait coule à flots et le racisme en douce, un commerçant a trouvé le moyen le plus créatif – et le plus rétro – pour trier ses clients , une porte pour les Belges, une autre pour « les autres ».
Un magasin pas très “super”
Le décor ? Un magasin de produits laitiers bien connu des habitués du coin, fréquenté autant par les familles belges que par les nombreuses communautés d’origine étrangère. Mais depuis quelques semaines, une scène ahurissante a interpellé plusieurs clients marocains
Une file d’attente. Deux portes.
D’un côté, la porte VIP – comprenez , « Visiblement Indigènes Permis d’entrée interdite » – réservée aux clients belges, qui accèdent directement au paradis lacté, sans un regard, sans un mot, sans une minute d’attente.
De l’autre, un accès « communautaire » – comprenez , « Circulez, mais pas trop vite » – pour les clients maghrébins et africains, obligés de poireauter dans une file interminable, parfois même sous la pluie, pour acheter… du lait.
L’apartheid 2.0 , version fromagère
« On se croirait dans l’Afrique du Sud des années 80, mais avec des yaourts aux fruits », plaisante un client marocain qui, après vingt minutes d’attente, a préféré quitter les lieux les mains vides.
D’autres ne rient pas du tout. Les vidéos circulent, les témoignages affluent, et une vague d’indignation monte chez les habitants de Londerzeel. Une pétition a même été lancée pour appeler au boycott du commerce en question, et les appels à la solidarité entre migrants se multiplient.
Le commerçant, lui, assume – à moitié caillé
Interrogé par un journaliste local (après l’avoir fait attendre du mauvais côté de la porte), le propriétaire du magasin aurait expliqué qu’il s’agit « d’un simple souci d’organisation » et que « certains clients préfèrent attendre entre eux ».
Traduction libre : l’intégration, c’est bien, mais pas quand il s’agit de faire la queue avec Ali, Fatima ou Mamadou.
Silence radio côté autorités ?
Pendant que la polémique enfle, les autorités locales brillent par leur discrétion. Aucun communiqué officiel, aucune inspection annoncée. Comme si ce genre de discrimination sourde ne méritait ni réaction ni sanction. Comme si, en Belgique, le racisme n’était un problème que lorsqu’il fait la une… ou touche quelqu’un de célèbre.
Une porte se ferme, une conscience s’ouvre ?
Ce qui est sûr, c’est que l’affaire de Londerzeel n’est pas une simple anecdote. Elle révèle une fracture bien réelle, un malaise profond, et une banalisation inquiétante des micro-agressions racistes dans l’espace public.
Mais elle révèle aussi la vigilance nouvelle d’une génération qui filme, partage, alerte, et refuse de se taire.
Car si certains veulent imposer des portes séparées, d’autres choisissent d’ouvrir grand la leur à la dignité, à l’égalité, et à ce bon vieux principe qu’on croyait universel , un client est un client.