Molenbeek, entre bougies et bombonnes : hommage à Fabian ou répétition générale d’un chaos programmé ?

Majdi Fatima Zahra

À Molenbeek-Saint-Jean, ce dimanche, la Belgique s’est souvenue d’un petit garçon et a frôlé le grand naufrage. Entre les larmes sincères pour Fabian, 11 ans, fauché en pleine jeunesse par une course-poursuite, et les gaz lacrymogènes évaporés dans l’air chargé de colère, l’hommage s’est mué en théâtre d’affrontements, avec, en vedette non consentante : le canon à eau.

On était pourtant partis d’un bon sentiment. Une marche blanche, des fleurs, des bougies, une minute de silence… C’est ainsi que le parc Élisabeth à Ganshoren avait donné le ton, dans une dignité rare pour une ville habituée à l’amnésie éclair. Mais c’était sans compter sur les pyromanes de la République, ceux pour qui un deuil sans émeute, c’est comme un kebab sans harissa , ça manque de piquant.

Le commissariat en point de mire , retour vers le chaos

Arrivés devant le commissariat de la place du Comte de Flandre à Molenbeek, certains manifestants – ou devrions-nous dire, stagiaires en insurrection urbaine – ont rapidement troqué les slogans pour des insultes, puis les bougies pour des projectiles.

Climatiseur du commissariat , détruit.

Bonbonne de gaz lancée , interceptée.

Canon à eau , activé.

Policiers , six blessés.

Arrestations , quatre, dont une administrative (le classique “mauvais endroit, mauvais moment, et très mauvaise idée”).

Le reste est une partition connue. Un petit groupe refuse de partir, les réseaux sociaux s’enflamment, et les hélicoptères tournent comme des vautours au-dessus d’un quartier déjà à bout de souffle.

Fabian, symbole d’un malaise plus large ?

Nul ne remet en cause la légitimité de l’émotion. La mort de Fabian a choqué, indigné, réveillé les consciences. Un enfant de 11 ans qui perd la vie lors d’une course-poursuite avec la police, c’est une tragédie. Et la société a le devoir de demander des comptes. Mais à quel moment un hommage se transforme-t-il en défouloir collectif ? À quel moment l’indignation devient-elle prétexte à la casse, à la haine, et à la récupération par ceux qui n’ont jamais connu Fabian ni lu un seul article sur l’affaire, mais qui savent très bien lancer une pierre sur une visière anti-émeute ?

Entre les lignes de l’émotion, la ligne rouge

Il y a une ligne fine, mais décisive, entre contestation et chaos. Elle a été franchie dimanche, une fois de plus. À force de confondre militantisme et vandalisme, on affaiblit les vraies luttes, on salit la mémoire de ceux qu’on prétend défendre, et surtout, on offre aux extrêmes le confort d’un “on vous l’avait bien dit”.

Le problème n’est pas que la population s’indigne : c’est sain. Le problème, c’est que l’on peine à distinguer les citoyens révoltés des fauteurs de troubles professionnels, que certains élus ferment les yeux quand ça brûle, et que la police, prise entre devoir d’ordre et soupçon d’abus, devient le punching-ball d’une société schizophrène.

Justice pour Fabian, pas vengeance pour tous

Oui, une enquête est nécessaire. Oui, il faudra faire la lumière sur les circonstances exactes du drame. Oui, la police doit rendre des comptes quand elle dérape. Mais non, la rue n’est pas un tribunal. Et un cocktail Molotov n’a jamais remplacé un juge d’instruction.

Fabian méritait mieux qu’un dimanche de haine. Il méritait un pays capable de pleurer sans se battre. Molenbeek, elle, mériterait enfin d’être autre chose qu’un mot-clé entre deux sirènes.

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