comment le MR tente de construire un pont au-dessus d’un marécage idéologique
Majdi Fatima Zahra
Ce vendredi après-midi, au Parlement bruxellois, le MR a organisé ce que l’on appelle en politique une « réunion de travail ». Traduction , une table, quelques chaises, des regards en coin, et une grande idée – former une majorité, ou du moins faire semblant d’essayer. Il était 15h15. La réunion a commencé à l’heure. C’est probablement le seul élément consensuel de la journée.
Une salle, deux ailes, et un gouffre au milieu
Côté francophone : pas foule. Seuls le MR et les Engagés ont daigné se déplacer. Les autres – PS, Ecolo, DéFI – avaient sans doute piscine, ou un impératif idéologique de dernière minute. Côté néerlandophone, c’était déjà plus animé , Groen, Open Vld, Vooruit, CD&V et même la N-VA, ce qui a immédiatement fait froncer des sourcils côté francophone. Car la N-VA, c’est un peu comme un oncle gênant à Noël , on sait qu’il est de la famille fédérale, mais on préfère éviter de lui parler en public.
Christophe De Beukelaer : le regret poli comme art politique
Le chef des Engagés, Christophe De Beukelaer, est arrivé tout sourire, mais visiblement contrarié. « C’est à regret que le PS, Ecolo et DéFI ont mis un veto à la N-VA », a-t-il soupiré, tout en assurant qu’il attendait « de voir quelle méthode propose le MR ». Un peu comme si, après avoir critiqué le menu, il attendait du chef qu’il improvise un plat sans les ingrédients interdits par les autres convives.
David Leisterh : l’impatience feutrée du Formateur MR
Interrogé sur les attentes de ses partenaires, David Leisterh, le Formateur MR, a visiblement dû respirer un grand coup avant de répondre. « C’est un peu facile de dire que le MR doit venir avec une piste… », a-t-il lancé, l’air de celui à qui on demande de construire un avion pendant qu’il tombe du ciel. Puis, dans un accès d’agacement très contrôlé, il a prévenu les Engagés : « Nous sommes patients, mais il y a des limites. » Traduction : attention à ne pas confondre modération et soumission.
Communistes, chiffres et autres provocations
Et puisqu’on parle de limites, M. Leisterh en a profité pour décocher une flèche en direction de la gauche, accusée de « préférer parler avec les communistes » plutôt que d’entrer dans le dur du programme libéral. Il est vrai que discuter de chiffres dans une note de politique générale n’a jamais fait rêver les foules. Mais insinuer que certains préfèrent chanter l’Internationale plutôt que de lire des colonnes Excel, voilà qui relève presque de la poésie politique.
Un plan, plusieurs veto, et beaucoup de théâtre
Ce qui devait être une réunion méthodologique s’est donc transformé, comme souvent en Belgique, en une danse subtile entre les refus, les silences et les déclarations semi-piquantes. Le MR veut fédérer. Les Engagés veulent comprendre comment. Le PS, Ecolo et DéFI veulent qu’on oublie la N-VA. Et tout le monde, en secret, espère que l’autre fera le premier pas – ou le premier faux pas.
En attendant lundi (date annoncée par De Beukelaer comme un jour de « clarté » – on dirait une prophétie maya), la majorité bruxelloise reste un Rubik’s Cube émotionnel : plein de couleurs, mais impossible à aligner sans forcer.