Bruxelles-Nord : 120 policiers, 46 interpellations et un quartier qui respire (un peu)

Bouchaib El Bazi

Il était un peu plus de 7 heures du matin ce jeudi 5 juin, lorsque le Quartier Nord de Bruxelles a été réveillé non pas par le chant des oiseaux (absents depuis longtemps), mais par les bottes bien cirées de 120 agents de police venus rappeler que l’État n’était pas tout à fait en vacances. Objectif , nettoyer, sécuriser, rassurer – ou du moins faire semblant.

46 interpellations, une poignée de vrais suspects et beaucoup de paperasse

C’est donc avec une précision quasi militaire (et un café serré) que les forces de l’ordre ont investi la fameuse rue d’Aerschot, réputée pour ses trafics en tout genre, sa faune nocturne et son ambiance digne d’un polar mal éclairé. Résultat de l’opération , 46 interpellations, dont trois dignes d’un véritable procès – le reste relevant davantage du casting pour une téléréalité carcérale.

Parmi les heureux élus : des amateurs de cannabis, des spécialistes en menaces tous azimuts, et même un suspect signalé pour extorsion. De quoi garnir les statistiques mensuelles et justifier, peut-être, l’essence des camionnettes de la police fédérale.

Quand le plan d’action rime avec opération communication

Officiellement, cette démonstration de force s’inscrit dans le Plan Quartier Nord, un dispositif censé rétablir l’ordre, la paix et (rêvons un peu) la confiance entre les habitants et leurs institutions. Une opération qui permet aussi aux autorités de cocher quelques cases , présence sur le terrain, coordination interservices, et photo de groupe pour le rapport annuel.

Le tout se déroule sous l’œil discret, mais soucieux, des commerçants du coin, qui oscillent entre soulagement temporaire et scepticisme chronique. Car, dans ce quartier qui semble parfois abandonné aux logiques parallèles, chaque opération policière est vécue comme un événement météorologique , impressionnante, bruyante, mais rarement durable.

Le Quartier Nord, laboratoire d’un ordre à géométrie variable

Classé “hotspot” dans le Plan régional de lutte contre les stupéfiants (comprendre , c’est le Bronx, mais en plus froid), le Quartier Nord est devenu un terrain d’expérimentation pour les autorités bruxelloises. On y teste des approches « globales », des dispositifs « intégrés », et une collaboration « transversale » entre prévention et répression. Bref, un bel effort sémantique.

Mais derrière les beaux mots et les gilets pare-balles, la réalité demeure , un quartier fracturé, où la pauvreté alimente les réseaux, où l’économie parallèle concurrence la légalité, et où les habitants finissent par se demander si l’intervention de jeudi n’était qu’un rêve éveillé – ou une parenthèse avant le retour du chaos ordinaire.

Opération réussie, transformation en attente

PolBruNo peut se féliciter d’avoir frappé fort et propre. L’opération s’est déroulée « sans incident » – une formule qui, dans le langage policier, signifie généralement que personne n’a insulté le maire ni renversé de trottinette. Mais de là à crier victoire, il y a un pas que même 120 policiers ne sauraient franchir d’un seul élan.

La vraie question demeure , à quand une opération d’envergure contre les causes profondes du désordre urbain ? Mais pour celle-là, il faudra plus qu’un gyrophare.

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