Chasser l’enfant dans les parcs : la Belgique a-t-elle confié sa sécurité à des cow-boys sous stéroïdes ?
Dans la Belgique moderne, on pensait que les enfants étaient en sécurité dans les parcs, et que les policiers étaient formés pour protéger, dialoguer, désamorcer. Mais ça, c’était avant. Avant que Fabian, 11 ans, ne devienne la quatrième victime mortelle en cinq ans d’une course-poursuite policière, dans un pays où l’uniforme semble désormais livré avec un permis d’impunité et un GPS mal réglé.
Ce lundi, peu après 17h50, dans le paisible parc Élisabeth de Ganshoren, un véhicule de la zone Bruxelles-Ouest a mis fin à la course d’un petit garçon en trottinette électrique. Fin brutale. Fin définitive. Fin absurde. La scène aurait pu être tirée d’un film dystopique si elle ne s’était pas déroulée à quelques mètres des bancs publics, là où des familles promènent encore leurs enfants, croyant vivre dans une démocratie civilisée.
Une trottinette, un parc… et des sirènes
Fabian n’avait ni arme, ni casier, ni antécédents. Il avait 11 ans, un sourire de gosse, et une trottinette — ce nouveau jouet interdit aux moins de 16 ans, soit, mais dont l’usage excessif ne mérite généralement qu’une amende de 58 euros. Pas une traque motorisée dans un espace vert.
Mais à croire que dans certains quartiers, un enfant sur roues est vu comme un potentiel criminel. Il faut le neutraliser. Même si cela implique d’accélérer en pleine pelouse, de frôler les familles, et de confondre une opération de contrôle avec une scène de GTA version Bruxelles-Ouest.
« Il faut bien faire régner l’ordre », disent certains…
…Oui, mais à ce rythme-là, on finira par devoir équiper nos enfants de gilets pare-balles pour aller jouer au parc. Simon Sterverlinck, du collectif Heroes For Zero, n’y va pas par quatre chemins « Si la violence est justifiée dans la rue, soit. Mais ici, on est dans un parc. Ce n’est jamais justifié de chasser un gamin de 11 ans. » Même un contrôleur de la STIB aurait eu plus de retenue.
Et quand on sait que Fabian est le quatrième mort en cinq ans, écrasé ou percuté lors d’une intervention policière, on ne parle plus de hasard ou de malchance, mais d’un système devenu toxique, où la rapidité du gyrophare supplante la lenteur du jugement.
Une veillée pour dire stop… et peut-être réveiller les consciences
Mardi soir, à 17h50, heure exacte de l’accident, le parc Élisabeth s’est tu. Minute de silence, fleurs blanches, regards vides. Des familles, des voisins, des militants… tous unis par un sentiment , la peur de devenir les prochains, ou pire, d’élever des enfants dans une ville où les parcs ne sont plus des lieux de jeu, mais de chasse.
Le collectif Heroes For Zero réclame des comptes : réduction de la vitesse des véhicules policiers, requalification des protocoles de poursuite, et surtout, la fin de cette culture de l’escalade, qui transforme chaque intervention en duel de western. Pieter Fannes, lui, pointe du doigt un chiffre glaçant , « Quatre morts en cinq ans. Et plusieurs blessés. Ce n’est plus un accident. C’est un mode opératoire. »
Justice ? Peut-être. Mémoire ? Certainement.
Le parquet a confié l’enquête au Comité P, ce qui, dans le jargon institutionnel, signifie , on fera semblant d’y croire. Mais à Ganshoren, ce sont les enfants qui, désormais, changent de trottoir quand une voiture de police passe. Et ça, aucune commission d’enquête ne pourra le réparer.
Fabian n’avait que 11 ans. La question, aujourd’hui, c’est , combien d’enfants faudra-t-il encore enterrer avant que la police belge redécouvre sa mission première — protéger les vivants, pas les écraser ?