À Bruxelles, le voile revient sur le devant de la scène : entre fantasmes laïques et réalités molenbeekoises
Bouchaib El Bazi
Il flotte sur Bruxelles comme un parfum de panique morale chaque fois qu’un coin de tissu ose effleurer le débat public. Le conseil communal de Molenbeek, visiblement en mal d’adrénaline démocratique, a voté mardi la mise en place d’une concertation visant à lutter contre les discriminations à l’embauche, notamment celles touchant les femmes portant le voile. De quoi provoquer, une fois encore, un lever de boucliers dans certains cercles allergiques à toute forme de tissu trop expressif.
Le retour du débat sur les signes religieux à Anderlecht et ailleurs ressemble à s’y méprendre à une rediffusion de mauvais goût : même casting, mêmes slogans, même indignation surjouée. À croire que la laïcité, dans certaines communes, ne tient plus debout qu’en s’érigeant contre quelques centimètres de coton.
Ce que les opposants à toute inclusion voilée refusent d’admettre, c’est qu’en 2025, les réalités sociales ont dépassé leurs obsessions d’un autre siècle. À Molenbeek, à Anderlecht, à Schaerbeek, les femmes musulmanes ne demandent pas une faveur. Elles exigent simplement d’être considérées comme des citoyennes à part entière — ni plus ni moins. Or, ce qui est vendu comme une menace pour la neutralité administrative est bien souvent un cache-misère pour une discrimination assumée.
Derrière les discours feutrés sur la “cohésion sociale” ou la “neutralité de l’État”, il y a surtout une grande peur : celle d’un pays qui change, d’une capitale qui ne ressemble plus aux cartes postales fantasmées de l’après-guerre, et d’un service public qui, horreur suprême, pourrait ressembler à sa population.
La concertation votée à Molenbeek est donc perçue, par certains, comme une brèche dans le barrage de la sacro-sainte neutralité. Mais n’est-ce pas justement cela, la démocratie ? Écouter, comprendre, adapter — au lieu de figer la société dans une vision muséale de la diversité.
En attendant, les débats continuent, les amalgames prospèrent, et les hijabs restent les boucs émissaires préférés d’une classe politique à court d’idées mais jamais à court de peurs. La Belgique, ce pays où un morceau de tissu peut provoquer plus de panique qu’un plan d’austérité.