Industrie de défense au Maroc : vers la souveraineté stratégique

Soumia El Alki

À l’occasion du 69e anniversaire de la création des Forces armées royales, le roi Mohammed VI a adressé un message fort, appelant à poursuivre et intensifier les efforts en matière de localisation de l’industrie de défense. Une vision stratégique qui place le Maroc sur la voie d’une autonomie militaire, en phase avec son ambition de devenir une puissance régionale émergente.

Dans ce message, le souverain – en sa qualité de chef suprême et chef d’état-major général des Forces armées royales – a souligné que « la consolidation des acquis réalisés » passe impérativement par le renforcement de l’arsenal national, la modernisation des capacités militaires et la montée en compétence des effectifs. Mais surtout, il a insisté sur l’importance de créer une véritable base industrielle de défense, à travers un cadre juridique attractif, des incitations fortes pour les investisseurs et des partenariats technologiques ambitieux.

Ce tournant industriel n’est pas sans précédent : le Maroc a déjà démontré sa capacité à s’imposer dans l’industrie automobile et aéronautique. Il entend désormais dupliquer ce modèle dans le secteur de la défense. La loi adoptée en 2020 sur la fabrication, l’importation et l’exportation d’armes a ouvert la voie à la structuration d’un écosystème militaire local. Deux zones industrielles dédiées ont été créées, et plusieurs partenariats internationaux sont déjà en cours, notamment avec le groupe indien Tata pour la production de véhicules blindés, ou encore avec Lockheed Martin dans le cadre du programme de cofabrication des F-16 de nouvelle génération.

Pour Mohamed Issam El Arroussi, directeur du centre “Manadhir” pour les études géopolitiques et stratégiques, cette orientation s’appuie sur une lecture géopolitique lucide des menaces émergentes. Elle traduit une volonté de souveraineté technologique, mais aussi une ouverture intelligente sur des puissances industrielles comme les États-Unis, la France, l’Espagne, la Chine, la Russie, ou encore l’Inde et l’Amérique latine.

Cette dynamique industrielle s’accompagne aussi de mesures sociales concrètes : un ensemble de décrets vient d’être validé en conseil des ministres pour améliorer la situation matérielle de certaines catégories des Forces armées, illustrant ainsi la cohérence d’une stratégie globale de montée en puissance.

Le Maroc ne se contente plus d’acheter de l’armement. Il cherche désormais à le concevoir, le produire, le maîtriser. Dans un monde marqué par l’instabilité et la reconfiguration des alliances, l’autonomie militaire n’est plus un luxe, mais une exigence stratégique. Et le Royaume semble bien décidé à relever le défi, avec méthode, constance et ambition.

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