Réforme du chômage en Belgique : le droit au travail… ou au silence ?

Bouche El Bazi

C’est officiel : en Belgique, on ne chôme plus… du moins, pas trop longtemps. Le gouvernement, mû par un élan de rationalité budgétaire et de foi dans les vertus rédemptrices du marché, souhaite plafonner les allocations de chômage à deux petites années. Le Conseil d’État, consulté à la hâte, n’y voit pas de problème majeur. La dignité humaine ? Une notion parfaitement compatible avec un passage express par le CPAS.

Le Conseil d’État valide : souffrir un peu pour le bien commun

Dans son avis, l’institution reconnaît bien une « diminution significative du niveau de protection » – on apprécie l’élégance de l’euphémisme – mais estime que cela reste acceptable au nom d’un « objectif légitime » : augmenter le taux d’emploi et réaliser des économies. Ah, ces nobles causes… Elles justifient tout, même de transformer les droits sociaux en options à durée limitée.

FGTB : indignée, mais polie

Du côté de la FGTB, le ton est un peu moins olympien. Le syndicat socialiste rappelle avec insistance que l’article 23 de la Constitution garantit à chacun le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine, ce qui inclut, sauf réécriture ministérielle, la sécurité sociale. Pire encore : le Conseil d’État lui-même confesse avoir rendu son avis dans des délais serrés, avec « de nombreuses questions en suspens ». Une sorte de feu vert administratif sous pression, version démocratique 2.0.

De la sécurité sociale au parcours du combattant

Car au fond, qu’est-ce que deux ans de chômage ? Une incitation à se ressaisir ! Et pour ceux qui n’y arrivent pas ? Le gouvernement a prévu le plan B : le droit à l’aide sociale, cet ersatz de parachute qui garantit au moins un ticket-repas (par semaine). Ainsi, l’État continue de protéger ses citoyens… en leur rappelant fermement qu’il ne faut pas trop abuser.

Le chômeur, ce nouveau suspect

Derrière cette réforme, une idée simple : si vous êtes encore au chômage après deux ans, ce n’est plus la faute du marché, mais la vôtre. Le chômeur devient un suspect, un indolent potentiel, un poids pour la collectivité. Finie l’idée d’un État providence. Place à l’État coach, version spartiate : motivant, mais sans matelas.

Et la suite ? Une réforme de la faim ?

On attend avec impatience les prochaines innovations : peut-être une limitation à six mois des congés maladies ? Un plafond annuel pour le droit au logement ? Après tout, tout est négociable quand la légitimité de l’objectif suffit à effacer les garanties sociales. La Constitution ? Un buffet à volonté pour gouvernements pressés.

 Vivre dignement, mais vite

Désormais, en Belgique, on a toujours le droit de vivre dignement… mais dans un délai raisonnable. Passé deux ans, il faudra apprendre à conjuguer la dignité à l’imparfait.

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