Affaire Boukhorssa : Quand la diplomatie algérienne fait du James Bond low-cost à Paris

Hanane El Fatiha

Paris, printemps 2024. Tandis que les cerisiers fleurissent et que les Parisiens redécouvrent les terrasses, un scénario digne d’un thriller de série B se joue dans le Val-de-Marne. Amir Boukhorssa, alias “Amir DZ”, influenceur, réfugié politique et cauchemar numérique du régime algérien, est kidnappé à deux pas de la capitale. Et selon les services français, ce n’est pas l’œuvre d’un gang de banlieue… mais d’un attaché diplomatique, façon 007, sans l’Aston Martin.

Un diplomate aux multiples casquettes (et au discret plan B)

Le principal suspect ? Un certain “S. S.” – non, ce n’est pas un pseudonyme de film d’action, mais les initiales d’un ex-secrétaire premier de l’ambassade algérienne. Officiellement diplomate. Officieusement ? “Sous-officier” de la très discrète Direction algérienne de la documentation et de la sécurité extérieure. Comprenez : le monsieur était en mission. Pas pour négocier un traité, non, mais pour orchestrer un kidnapping en douce. Classe diplomatique.

Selon la DGSI, le diplomate-espion aurait participé activement à l’opération, allant jusqu’à retirer 2 000 euros pour les “frais d’enlèvement”. Car oui, même l’enlèvement politique semble désormais soumis à l’inflation.

La France, terrain de jeu ou paillasson diplomatique ?

Le tout se déroule sous le nez d’un État français qui, ces dernières années, semble avoir pris l’habitude de découvrir des affaires d’espionnage algérien comme on découvre des rats dans le métro : avec un mélange de lassitude et d’impuissance.

Et comme toujours, la diplomatie s’offusque : immunité, conventions de Vienne, tout y passe. Pendant ce temps, Boukhorssa, qui a obtenu l’asile politique en 2023, est traqué comme un Pokémon rare par un régime qui confond YouTube avec menace terroriste. Neuf mandats d’arrêt internationaux, rien que ça. On sent que le mec dérange.

Une crise algéro-française à l’ancienne (mais en streaming)

Cette affaire ne fait qu’aggraver une crise déjà bien installée entre Paris et Alger. Depuis des mois, les deux capitales jouent au ping-pong diplomatique avec rappels d’ambassadeurs, communiqués vénéneux et sourires crispés. Mais là, on franchit un cap : un kidnapping sur sol français, par des agents étrangers, avec preuve numérique et retraits bancaires à l’appui ? Même la DGSI n’en revient pas d’avoir un dossier aussi bien ficelé sans avoir dû écouter TikTok.

Quand la diplomatie fait des descentes

Cette affaire est une gifle pour la souveraineté française, et un signal inquiétant : la guerre froide 2.0 ne se joue plus entre espions russes en trench coat, mais entre influenceurs en jogging et diplomates à carte blanche. L’État français devra-t-il désormais fouiller les mallettes diplomatiques à la recherche de menottes et de gaffes ? Ou bien attendra-t-on le prochain kidnapping pour réagir ?

En attendant, “S. S.” est introuvable. Rentré au pays ? Renvoyé discrètement ? Une chose est sûre : en matière de relations internationales, Paris et Alger continuent d’inventer le pire, ensemble.

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