Dans le grand théâtre des relations franco-algériennes, un nouveau chapitre s’ouvre : le ballet des expulsions diplomatiques. Cette fois encore, l’Algérie a convoqué, dimanche, le chargé d’affaires français pour lui signifier, avec tout le tact d’un coup de pied feutré, que d’autres fonctionnaires français doivent plier bagage. Une habitude qui, à force de répétition, frôle le professionnalisme.
Du côté français, on a bien sûr réagi comme il se doit : avec indignation, gravité et une petite touche d’incompréhension bien parisienne. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a parlé d’une réponse « immédiate », « ferme » et — attention, mot magique — « proportionnée ». Bref, un vocabulaire de crise pour une relation qui en est devenue une à elle seule.
Mais que reproche donc Alger à ces braves fonctionnaires venus, croit-on, pour tamponner des passeports et boire du café fort ? Eh bien, selon les autorités algériennes, certains d’entre eux auraient été nommés sans respecter les sacrosaintes procédures, tandis que d’autres seraient carrément arrivés avec de faux passeports diplomatiques — une audace qui aurait mérité un César, si elle n’était pas un motif d’expulsion.
Et pendant que Paris et Alger comptent les diplomates comme on compte les cartons lors d’un déménagement houleux, les observateurs — les vrais, pas ceux avec des lunettes teintées de nostalgie coloniale — se demandent si cette relation est encore capable de produire autre chose que du ressentiment bien emballé.
Car derrière cette série de “vous partez”, “non, c’est vous qui partez”, il y a bien plus qu’un simple conflit administratif. Il y a un passé lourd, un présent tendu, et un futur hypothéqué par des susceptibilités mal digérées. Depuis le soutien français à l’initiative d’autonomie au Sahara occidental, Alger ne décolère plus. Et depuis que l’histoire coloniale revient dans chaque discours, chaque geste prend des allures de revanche.
Même les tentatives de réconciliation ressemblent à des sketchs de mauvaise comédie. On se téléphone, on se promet monts et dialogues, et puis, quelques semaines plus tard, on se renvoie les agents comme on échange des cartes à jouer — édition spéciale “Guerre froide 2.0”.
Alors, que reste-t-il ? Peut-être un musée à inventer : le musée des diplomates expulsés, avec vitrines interactives, enregistrements des convocations, et un espace enfants où l’on apprend à rédiger des notes verbales avec des tampons en plastique.
En attendant, le feuilleton continue. Et comme tout bon feuilleton, il se répète jusqu’à l’absurde. Une absurdité parfaitement maîtrisée des deux côtés de la Méditerranée.