Au Maroc, il suffit parfois d’un micro allumé et d’un égo mal maîtrisé pour déclencher une polémique nationale. Cette fois-ci, la tempête porte la signature d’Abdelilah Benkirane, ancien chef du gouvernement, qui a jugé utile de traiter certains Marocains de “microbes” et de “ânes”.
Des mots crus, brutaux, glissés avec l’assurance d’un homme qui n’a plus rien à perdre… ou croit avoir encore tout à dire.
Mais ce n’est pas un simple citoyen qui parle ici. C’est un ex- chef de gouvernement , une figure de la vie politique, un ancien détenteur de responsabilités publiques. Et c’est précisément ce qui rend cette sortie si préoccupante. Dans un pays où les mots des dirigeants résonnent longtemps, leurs dérives verbales ne peuvent être prises à la légère.
Le contraste européen
Dans les démocraties européennes, les propos d’un tel calibre auraient probablement signé la fin immédiate d’une carrière. En Suède, un ministre a démissionné pour avoir acheté une barre chocolatée avec la carte de l’État. En Allemagne, une thèse de doctorat mal citée suffit à ruiner un avenir politique. En France, un mot de travers sur un plateau télé peut déclencher une crise gouvernementale.
Et pendant ce temps, au Maroc, un ancien chef de gouvernement insulte publiquement son propre peuple… sans la moindre conséquence. Pas d’excuses. Pas d’enquête. Pas de réaction officielle. Silence radio.
Un vide de responsabilité
Le plus alarmant n’est peut-être pas ce qu’a dit M. Benkirane, mais ce qui a suivi : rien. Aucun rappel à l’ordre. Aucune condamnation publique. À croire que l’insulte au citoyen fait désormais partie du folklore politique national.
Pourtant, le respect des Marocains n’est pas une faveur que l’on accorde, c’est une obligation constitutionnelle. Quand un responsable – passé ou présent – dépasse cette ligne, il appartient à l’État, à ses institutions, voire à la plus haute autorité, de rappeler que la dignité du peuple ne se piétine pas.
Une attente qui en dit long
Dans d’autres contextes, une déclaration aussi offensante aurait provoqué une réaction ferme du chef de l’État. Non pas pour punir un individu, mais pour envoyer un signal clair : la dignité des citoyens n’est pas négociable.
Aujourd’hui, beaucoup de Marocains s’interrogent : où sont les limites ? Jusqu’où peut aller un ancien responsable politique dans la provocation sans que l’on réagisse ? Et si le silence persiste, que dit-il de notre rapport à la responsabilité publique ?
Il ne s’agit plus de Benkirane. Il s’agit de nous tous. D’un pays qui doit choisir entre tolérer l’impunité ou affirmer que, même après avoir quitté le pouvoir, un homme d’État reste comptable de ses mots.