Quand Benkirane insulte les marocains , Dérive verbale ou stratégie politique ?

Yamina Lamin

Lors d’un récent rassemblement, Abdelilah Benkirane, ancien chef de gouvernement et secrétaire général du Parti de la Justice et du Développement (PJD), a tenu des propos troublants à l’encontre d’une partie des citoyens marocains. En réaction à ceux qui ont exprimé leur peine d’abord pour des drames nationaux celui de taza avant d’évoquer Gaza, il a choisi l’insulte : « microbes », « ânes ». Une sortie qui a choqué de nombreux Marocains et relancé le débat sur sa posture politique, son rapport à la religion, et sa mémoire du pouvoir.

Les Marocains ont le droit de choisir leurs priorités.

Être solidaire avec la Palestine, pleurer Gaza et dénoncer l’horreur des bombardements tout cela est légitime et partagé par une grande partie du peuple marocain. Mais ressentir en parallèle un besoin de justice pour les sinistrés de Tiflet, les victimes de l’effondrement social, les jeunes oubliés du système, cela l’est tout autant. Il ne s’agit pas de choisir entre compassion nationale et engagement international, mais d’avoir la liberté d’exprimer les deux. Traiter ceux qui formulent cette pensée de “microbes” ou d’“ânes”, c’est nier leur intelligence, leur souffrance, et leur humanité.

Un vocabulaire indigne d’un ancien chef de gouvernement

Abdelilah Benkirane a occupé les plus hautes fonctions gouvernementales du pays. À ce titre, il incarne encore pour certains une référence politique. Mais le poids des mots n’est pas anodin, surtout lorsqu’ils viennent d’un homme qui a juré de servir le peuple. Les injures publiques ne relèvent ni du débat d’idées ni de la fermeté politique. Elles traduisent un glissement vers le mépris, un refus d’entendre ce que d’autres Marocains vivent et ressentent.

Un passé au pouvoir marqué par des silences
Il serait bon que M. Benkirane se souvient que lorsqu’il était à la tête du gouvernement (2011-2017), des voix se levaient déjà pour alerter sur la hausse du coût de la vie, la précarisation des jeunes diplômés, ou encore les coupes dans les subventions. Qu’a-t-il réellement fait pour répondre à ces détresses ? Le peuple marocain n’a pas oublié les réformes douloureuses, les promesses non tenues, ni les dossiers laissés sans réponse. Aujourd’hui, il serait plus utile d’entendre de l’humilité que de l’arrogance.

Instrumentaliser la religion un danger pour la cohésion

Se poser comme le gardien de la morale religieuse, désigner qui est “bon musulman” et qui ne l’est pas, voilà un autre piège. La foi ne peut être l’outil d’un affrontement idéologique ou électoral. Les Marocains sont croyants, responsables, libres. Ils savent compatir pour Gaza tout en exigeant justice chez eux. La religion unit, elle ne divise pas. Elle appelle à l’écoute, au respect, à la tempérance. Elle ne justifie en aucun cas l’insulte.

Solidarité internationale, dignité nationale

Il est possible et même essentiel de porter des combats internationaux sans se détourner des urgences marocaines. La construction identitaire commence par la reconnaissance de ses propres blessures. Pleurer Gaza ne doit pas empêcher de pleurer Taza, Jerada ou Agadir. Le Marocain n’a pas à choisir il peut et doit être debout pour tous les combats de justice. Le mépriser pour cela revient à vouloir lui imposer une hiérarchie des douleurs. Et cela, personne n’en a le droit.

Monsieur Benkirane, le respect n’est pas une option

Il est facile d’élever la voix. Il est plus difficile d’élever le débat. Aujourd’hui, les Marocains attendent autre chose de leurs anciens dirigeants de la retenue, de la lucidité, de la reconnaissance. La parole publique engage. Et lorsqu’elle insulte, elle trahit. Monsieur Benkirane, ceux que vous avez traités de “microbes” sont les mêmes que vous avez appelés à voter pour vous. Ils ne méritent ni votre colère, ni votre mépris. Ils méritent d’être entendus. Rien de plus, rien de moins.

Les Marocains de l’étranger, blessés et désabusés

 

De nombreux Marocains résidant à l’étranger ont vivement réagi aux propos de M. Benkirane. Ces citoyens, qui portent le Maroc dans leur cœur malgré l’éloignement, se sentent directement visés et blessés. Eux qui défendent l’image du pays à travers le monde, qui soutiennent leur famille au pays et investissent dans l’économie nationale, s’interrogent .si un ancien Premier ministre se permet d’insulter son propre peuple, que penserait-il de ceux qu’il ne côtoie pas ? Est-il seulement capable de les représenter ou de les nommer avec considération ? Ce mépris verbal suscite un profond malaise au sein de la diaspora.

Et le Palais dans tout cela ?

La monarchie marocaine est, pour beaucoup, le pilier de l’unité nationale et de la stabilité du pays.
Le roi Mohammed VI incarne cette vision d’un Maroc ouvert, digne et respectueux de ses citoyens. Face à des propos aussi virulents à l’encontre du peuple, certains s’interrogent, sans remettre en cause les institutions .faut-il laisser de telles dérives verbales sans réaction ? Le peuple marocain, fidèle à sa monarchie, sait qu’il peut compter sur elle pour rappeler que le respect est un fondement de la nation.

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