L’Algérie a récemment signé un accord de coopération militaire avec la Mauritanie. Un acte qui, à première vue, semble s’inscrire dans une logique de renforcement des relations bilatérales. Mais à y regarder de plus près, cet accord — dont le contenu reste soigneusement dissimulé — ressemble davantage à une opération de communication destinée à redorer l’image d’une diplomatie en perte de vitesse, qu’à un véritable tournant stratégique.
Depuis plusieurs mois, l’Algérie navigue en eaux troubles. Conflits ouverts ou larvés avec le Maroc, tensions persistantes avec la France, relations rompues avec l’Espagne, crise de confiance avec le Mali… autant de fronts qui ont mis Alger dans une position d’isolement inquiétant. Dans ce contexte, l’accord avec Nouakchott semble davantage répondre à un besoin urgent de “respiration diplomatique” qu’à une volonté sincère de construction partenariale.
La question se pose donc : la Mauritanie est-elle réellement en train de basculer dans le camp algérien ? Rien n’est moins sûr. Fidèle à sa politique de neutralité active, Nouakchott a toujours évité de s’aligner sur les querelles régionales. L’absence du président Ghazouani au mini-sommet tripartite (Algérie, Tunisie, Libye) en mars 2024 à Alger est d’ailleurs un signal clair de prudence stratégique. La Mauritanie veut rester un acteur de dialogue, non un pion dans une lutte d’influence.
Certes, la coopération militaire avec l’Algérie peut se justifier par l’instabilité grandissante au Mali, dont les effets se font sentir jusqu’aux frontières mauritaniennes et algériennes. Mais cette coordination sécuritaire ne saurait être interprétée comme un alignement politique, encore moins comme un revirement diplomatique.
Dans les faits, Alger avait surtout besoin d’un signal à usage interne. Montrer qu’elle n’est pas complètement isolée, qu’elle peut encore signer des accords, faire des annonces, accueillir des ministres. C’est là le cœur du message : “nous sommes toujours influents”. Pourtant, cette logique court-termiste ne résout rien.
Si l’Algérie veut retrouver un rôle central dans la région, elle doit cesser les logiques d’affrontement et de surenchère. Elle doit revoir sa stratégie, notamment envers ses voisins, et cesser de vouloir imposer une lecture unilatérale des équilibres régionaux. La diplomatie ne peut s’improviser sur fond de ressentiment.
La Mauritanie, pour sa part, reste cohérente avec sa doctrine : le dialogue, l’équilibre, et la défense de ses propres intérêts. Elle n’est ni un outil, ni une zone tampon. Et elle a montré, à maintes reprises, qu’elle sait tracer sa propre voie.