À Marseille, des artisans emploient des sans-papiers qui n’ont « pas d’autres moyens pour survivre »

Tous les jours, dans les quartiers nord de Marseille, des sans-papiers se présentent pour trouver du travail pour une journée ou plus. Un phénomène qui n’est pas nouveau, mais qui s’intensifie avec la pénurie d’ouvriers.

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Une bourse au travail illégal en plein Marseille, dans les quartiers nord, aux Arnavaux. Tous les jours, des travailleurs sans-papiers, pour l’immense majorité des jeunes qui arrivent d’Afrique subsaharienne, y attendent d’être embauchés par des artisans, qui cherchent de la main-d’œuvre pas chère et pour la journée.

Ce matin-là, ils sont une centaine à patienter devant un grand magasin de bricolage. Ismaël, un Ivoirien, est là tous les jours, dès 6 heures du matin.

« On n’a pas le choix, étant sans-papiers, il n’y a pas d’autres moyens pour pouvoir survivre. On est obligés de faire ça. »

Ismaël

à AKHBARONA Aljalia

Ces travailleurs illégaux sont payés entre 50 et 100 euros la journée. Momo est arrivé du Sénégal il y a quatre ans, et a appris le métier sur le tas.« Je fais du placo, je connais un peu l’électricité, la plomberie aussi. Des fois, on te demande si tu veux travailler. Je demande dans quoi c’est, si je peux le faire, je monte, si je ne sais pas, je reste. Par exemple, casser le béton, c’est quelque chose qui est difficile, ça demande beaucoup d’énergie et de force. »

Ici, c’est la loterie, explique Momo. Il peut patienter toute la journée avant qu’un artisan ne s’arrête, et les places sont chères. Dans leur camionnette, ces professionnels du bâtiment refusent de parler. Sauf Kader. Quand il manque de bras, il vient ici. Il reconnaît qu’il y a parfois des accidents du travail, mais c’est le prix à payer, regrette-t-il. « C’est quoi le mieux ? D’être blessé au boulot ou être blessé dans son estomac et dans son orgueil ? » 

« C’est une main d’œuvre qui arrange tout le monde. Quand j’ai besoin de faire de la manutention, il n’y a personne qui veut le faire. »

Kader, artisan

à AKHBARONA Aljalia

Selon lui, le premier responsable, c’est l’État qui ferme les yeux sur ces pratiques. « Ce sont des gens à qui on ne doit rien. Au bout de 10 ans d’une situation irrégulière, ils ne peuvent prétendre à rien. Ni retraite, ni CMU, rien. »

L’ambition de « s’en sortir » et « de travailler »

Et pourtant, ils sont nombreux à tenter de trouver du travail ici. Comme Moktar, 25 ans, c’est son premier jour. « Je suis venu avec l’ambition de m’en sortir, de travailler, de ne pas faire des conneries ni être un poids pour la France. » Arrivé du Cameroun quand il était petit, il n’a pas de papiers, il est conscient des risques qu’il prend, mais il n’a pas le choix.

« J’ai moins peur de monter avec un inconnu et d’aller travailler sans savoir où, ni pour combien de temps, ni pour combien d’argent, plutôt que d’être dans le stress de tous les jours de me dire, je ne sais pas quoi faire, je vais peut-être voler, arracher un sac, des choses que je n’ai jamais faites, ou peut-être dealer, que j’ai déjà fait. »

Dans le quartier, la situation ne choque plus personne, pas même les voitures de police qui sont passées plusieurs fois sans jamais s’arrêter. Pourtant, embaucher des travailleurs illégaux est puni par la loi de cinq ans d’emprisonnement pour l’employeur et 75 000 euros d’amende pour l’entreprise.

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