L’Algérie reconnaît soutenir une «résistance légitime» au Mali
L’Algérie est-elle en train de dévoiler au grand jour son jeu trouble de soutien aux groupes armés, terroristes et séparatistes, visant à déstabiliser ses voisins? Sinon comment comprendre que le régime d’Alger se plaigne à l’ONU de l’utilisation d’«armées privées» et de «drones» dans des combats inter-maliens? La réponse à ces questions a été donnée par la diplomatie malienne, qui accuse ouvertement l’Algérie de soutenir militairement et médiatiquement le «terrorisme», qu’Alger qualifie de «résistance légitime», non seulement au Mali, mais dans tout le Sahel.
La crise algéro-malienne s’est déplacée au Conseil de sécurité où les diplomates des deux pays se livrent une violente guerre des mots depuis une semaine. Le 26 août dernier, le représentant de l’Algérie à l’ONU, Amar Bendjama, a saisi l’occasion de la célébration du 75ème anniversaire de l’adoption des Conventions onusiennes de Genève sur la paix, pour s’exprimer sur la situation au Mali. Il ne s’agissait pas seulement pour lui d’un subterfuge lui évitant de faire l’état des lieux de l’application de ces conventions que l’Algérie foule régulièrement aux pieds, mais de faire un nouvel étalage de ce qui a toujours servi de dogme à la diplomatie algérienne, à savoir le non-respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États voisins.
L’exemple par cette nouvelle ingérence flagrante de l’Algérie dans les affaires intérieures du Mali, qui intervient moins de 24 heures après une opération de l’armée malienne, épaulée par des éléments du groupe paramilitaire russe, Africa Corps, contre des groupes armés dans l’extrême nord du Mali. Cette opération militaire menée le 25 août dernier, et dans laquelle des drones auraient été utilisés, a offusqué l’Algérie non pas parce qu’une «vingtaine de civils» maliens y ont été tués à «quelques mètres» de sa frontière avec le Mali, comme elle le prétend, mais à cause de la déroute de ses protégés à Tinzaouatène, une ville jumelle sise des deux côtés de la frontière algéro-malienne et que le régime algérien a transformée en bastion et quartier général pour Iyad Ag Ghali, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, lié à Al Qaïda).
Ce terroriste malien, également proche des séparatistes touaregs, fait actuellement l’objet d’un mandat d’arrêt lancé par la Cour pénale internationale. L’Algérie qui refuse de se conformer à cette injonction d’extradition émise par la CPI a récemment laissé entendre qu’Iyad Ag Ghali serait mort.
Considérant que le Mali est une arrière-cour de son pays, l’ambassadeur algérien à l’ONU, Amar Bendjama, s’est plaint du «danger de la technologie» (drones) utilisée par l’armée malienne, mais aussi des «armées privées auxquelles font appel certains pays sans qu’ils soient interpellés» (une allusion à Africa Corps, naguère appelé Wagner, et aux États qui soutiennent le Mali). «Ceux qui appuient ou ont appuyé sur le bouton pour lancer cette attaque (du 25 août contre Tinzaouatène, NDLR) ne sont soumis à aucune interpellation d’aucune partie». Bendjama exige-t-il indirectement des sanctions contre la Russie, principal fournisseur d’armes à l’Algérie, accusée de violer le droit humanitaire au Mali?
La réponse malienne à l’ingérence algérienne dans ses affaires intérieures ne s’est pas fait attendre. Issa Konfourou, ambassadeur représentant permanent du Mali à l’ONU, a demandé de prendre la parole devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour répondre aux accusations d’exactions contre des civils maliens proférées par l’Algérie.
Vendredi dernier, lors de la réunion du Conseil de sécurité, consacrée à la fourniture d’armes par les pays occidentaux à l’Ukraine, Issa Konfourou a accusé l’Algérie de «soutenir et de faire la propagande pour des groupes terroristes». En effet, selon lui, c’est l’Algérie qui pourrait avoir fourni la logistique militaire et permis à des experts militaires ukrainiens d’encadrer et d’entrainer les groupes de rebelles touaregs ayant réussi à infliger de lourdes pertes aux troupes maliennes et au groupe Wagner lors de violents combats qui se sont déroulés du 24 au 26 juillet dernier dans l’extrême nord du Mali, près de Tinzaouatène.
L’ambassadeur malien a dénoncé le fait que l’Algérie ait servi de porte-voix aux groupes terroristes maliens pour affirmer que les combattants tués par l’armée malienne étaient des «civils».
Ce lundi, un média proche de la junte algérienne rapporte que ce pugilat algéro-malien a continué avec une réaction très grave de l’ambassadeur algérien à l’ONU qui n’a fait que confirmer les accusations de son homologue malien. Bendjama a ainsi fait état de «la nécessité de faire la différence entre des actes terroristes et des actes de résistance légitimes» au Mali, sans préciser lequel l’Algérie soutient.
Une déclaration étonnante quand on sait que l’ONU est à la pointe du combat des organisations internationales qui exigent de l’Algérie d’abroger l’article 87 bis de son code pénal, un article qui considère tout opposant au régime militaro-politique comme un «terroriste».
Cet amalgame entre opposants politiques et terroristes n’a pas empêché le président algérien Abdelmadjid Tebboune de recevoir en décembre 2023, l’opposant au régime malien, l’imam Mahmoud Dicko, déclenchant une crise avec le gouvernement malien. Ce dernier, à son tour, a sorti l’Algérie de ses gonds, en janvier 2024, en déclarant définitivement caduc, et avec effet immédiat, l’Accord d’Alger signé en 2015 entre le Mali et les rebelles touaregs. Cet accord n’était en fait qu’un modus vivendi très précaire, mais dont Alger se servait pour outrepasser son rôle de facilitateur et faire du Mali sa chasse gardée.