Exclusif. L’Algérie veut confier l’exploitation de son plus grand gisement de phosphate à un partenaire chinois détenu partiellement par des Israéliens
La rédaction
L’Algérie « révolutionnaire » et « anti-sioniste » qui ne cesse d’affirmer officiellement son refus catégorique à toutes formes de normalisation avec Israël, « l’entité sioniste » comme elle est qualifiée dans le jargon politique des dirigeants algériens, s’apprête à confier l’exploitation de son plus grand projet et gisement de phosphate à un partenaire chinois détenu à hauteur de 15 % par un important groupe chimique Israélien, a pu confirmer Algérie Part au cours de ses investigations.
Le ministère de l’Energie dirigé par Mohamed Arkab a officiellement adressé une correspondance à la société chinoise Wuhuan Engineering pour la convier à se déplacer en toute urgence à Alger afin de préparer la signature d’un protocole d’investissement qui permettra la réalisation du méga-projet du phosphate de Tébessa, le projet phosphatier intégré (PPI), présenté comme étant le plus grand projet industriel africain des vingt dernières années.
La signature officielle de ce protocole est prévue le 28 décembre prochain, a-t-on pu confirmer encore au cours de nos investigations. Pour l’équivalent de 5,8 milliards de dollars, l’Etat algérien veut octroyer l’exploitation et la réalisation des infrastructures industrielles nécessaires à la mise en service du PPI de Tébessa à la société Wuhuan Engineering.
Or, cette société n’a absolument aucune expérience industrielle dans l’extraction ou l’exploitation des gisements de phosphates. Wuhuan Engineering est une filiale d’une autre compagnie chinoise appelée la CNCEC. Dans ses précédentes investigations, Algérie Part avait révélé que la CNCEC avait été appelée par voie diplomatique pour participer à l’appel à manifestation d’intérêt lancé par le ministère de l’Energie à Alger le 31 mai dernier.
Il faut savoir que la CNCEC est un simple bureau d’études et d’engineering qui n’a jamais consenti à un énorme investissement au niveau des marchés internationaux. Il n’a ni les capacités ni la vocation de mobiliser des investissements de 6 milliards de dollars US nécessaires à la réalisation du méga-projet du phosphate de Tébessa. Preuve en est, CNCEC n’a jamais fait un investissement en dehors de la Chine mais a toujours supervisé en dehors de ses frontières des projets EPC (Engineering, Procurement and Construction). Dans cette modalité, la CNCEC est uniquement responsable de la conception préliminaire et détaillée, ainsi que de la gestion des achats, de la construction, de la supervision et de la mise en service des installations industrielles d’un projet déterminé. Elle n’a jamais apporté le moindre investissement direct aux pays dans lesquels cette compagnie chinoise intervient. Au contraire, elle est payée seulement pour ses prestations techniques d’Engineering.
La volonté manifeste du régime algérien de confier le PPI de Tébessa à Wuhuan Engineering est en soi un scandale qui ne manquera pas de soulever de nombreuses interrogations dans les jours et semaines à venir.
Mais le pire est ailleurs ! En effet, pour gérer et réaliser le PPI de Tébessa, Wuhuan Engineering a d’ores et déjà fait appel à un autre groupe chinoise spécialisé quant à lui dans le phosphate naturel et les engrais. Il s’agit de la société Yunnan Yuntianhua qui devrait être présente le 28 décembre à Alger pour officialiser cet accord d’investissement autour du PPI de Tébessa. L’Algérie a procédé, d’ailleurs, à la révision de la loi minière 2014-05 du 24 février 2014 pour permettre aux actionnaires chinois d’obtenir pas moins de 61 % des parts de ce méga-projet concédant ainsi uniquement 39 % au partenaire algérien, le groupe Asmidal, filiale de Sonatrach.
Or, Yunnan Yuntianhua est un groupe chinois dominé depuis 2016 par un important actionnaire israélien, à savoir le groupe Israel Chemicals (ICL) qui est entré en janvier 2016 au capital du Chinois Yunnan Yuntianhua. Il avait pris 15 % des parts de ce groupe spécialisé chinois en échange d’environ 250 millions de dollars.
Cette prise de participation fait partie du projet de coentreprise 50/50 entre les deux groupes, une fusion qui remonte à décembre 2014. Cette société conjointe est effective depuis octobre 2015 exploite une mine de phosphate dans la région de Kunming (Chine), d’une capacité de production de 2,5 millions de tonnes par an, ainsi qu’un complexe adjacent disposant de capacités de 1,85 Mt/an d’acide sulfurique, de 700 000 t/an d’acide phosphorique, de 850 000 t/an d’engrais, de 60 000 t/an d’acide phosphorique purifié, de 120 000 t/an d’engrais de spécialité et de 65 000 t/an de phosphates de spécialités.
L’israélien ICL et le chinois Yunnan ont également lancé en août 2015 une plateforme de R&D à Kunming qui se focalise sur le développement de technologies à base de phosphate. C’est dire que les autorités algériennes sont en train de permettre à Wuhuan Engineering d’introduire sur le marché national une société entièrement acquise aux intérêts israéliens qui, à entendre et à en croire les dirigeants algériens, sont en contradiction totale avec les intérêts de l’Algérie. Un double discours d’une grande hypocrisie que les enjeux du business ont dévoilé au grand jour. Algérie Part poursuit ses investigations et publiera prochainement de nouvelles révélations sur l’attribution scandaleuse de ce méga-projet à des partenaires chinois qui sont liés à des intérêts étrangers pouvant menacer « la sécurité nationale » de notre pays, comme aime à le répéter régulièrement le gouvernement Tebboune.