Impact social et économique de la crise du covid-19 au Maroc
Les autorités marocaines ont décrété l’état d’urgence sanitaire le 20 mars 2020 alors que le pays ne comptait qu’une dizaine de cas. Cette décision rapide a permis une évolution tendancielle maitrisée durant la période de confinement.
Des mesures strictes, des efforts de compensation financière étendues, ainsi qu’une démonstration continue de solidarité et d’espoir des communautés et des individus ont permis au Maroc, dans une certaine mesure, d’atténuer les effets de la crise sanitaire. Cependant, son impact socio-économique appelle à l’adoption de mesures appropriées, notamment en faveur des plus vulnérables.
Ce document de synthèse résume la note stratégique « Impact social et économique de la crise du covid-19 au Maroc », publiée conjointement par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), le Système des Nations Unies pour le Développement (SNUD) et la Banque Mondiale (BM), le 17 août 2020. Elle fait référence aux résultats des enquêtes spécifiques COVID-19, aux analyses de conjoncture et au rapport du budget économique exploratoire réalisés par le HCP, au Cadre de Réponse Socio- économique Immédiate au COVID-19 recommandé par le Secrétariat Général des Nations Unies et aux rapports de suivi de la situation économique du Maroc réalisés par la BM.
ANALYSE DE L’IMPACT SOCIO-ECONOMIQUE AU MAROC : LES POINTS CLES
L’économie du Maroc est d’ores et déjà affectée par l’effondrement économique global, qui touche notamment l’Europe, son principal partenaire commercial. Les mesures de confinement pour faire face à la propagation de la pandémie montrent elles aussi des effets négatifs rapides sur l’économie. Ces circonstances se traduisent par des défis sans précédent pour le pays qui devait déjà faire face à une année agricole marquée par la sécheresse et laisse entrevoir que l’économie marocaine devrait fortement souffrir de l’impact négatif de la pandémie. L’impact socio- économique de la crise sera sans doute ressenti en premier lieu et durement par les travailleurs du secteur informel qui représentent une grande majorité des marocains actifs et populations étrangères (migrants, réfugiés), et qui sont généralement employés dans des secteurs particulièrement vulnérables à la crise, comme le secteur du tourisme ou des transports, la vente au détail, ou encore la « gig économie » mais également par tous ceux dont le travail ne peut pas se faire à distance. Sur l’ensemble de l’année 2020, l’économie marocaine devrait connaître une récession, la première depuis plus de deux décennies, sous l’effet conjugué de la sécheresse et de la pandémie. En effet, selon les prévisions annuelles du HCP, le PIB connaîtrait une contraction de 5,8% qui serait accompagnée par un creusement du déficit budgétaire à 7,4% du PIB. Les dettes publique et extérieure augmenteraient également, mais demeureraient soutenables.
L’identification des personnes en situation de vulnérabilité multidimensionnelle est un élément clé de la réponse à la crise. Le Maroc dispose d’ores et déjà, à travers le dispositif du RAMED, d’une première base de données importante pour l’identification des personnes les plus
Synthèse de la note stratégique :
Impact social et économique de la crise du covid-19 au Maroc
Synthèse de la note stratégique Impact social et économique de la crise du covid-19 au Maroc
vulnérables aux effets de la crise. Celle-ci a permis de recenser 15,1 millions de personnes (i.e. personnes disposant d’une carte RAMED, valide ou non) présentant un risque de vulnérabilité accrue. Des mesures sont déjà mises en place pour cibler cette population.
Une réponse inclusive doit aussi répondre aux besoins particuliers des migrants et des réfugiés. Au Maroc, la population enregistrée dans la base de données du HCR est, au 31 mai 2020, de 11.149 personnes dont 3.843 demandeurs d’asile et 7.306 réfugiés ayant besoin d’une protection. L’inclusion de ces populations dans les réponses nationales est primordiale pour soutenir leur résilience face à cette situation de crise, et ce, également dans l’optique de ne laisser personne pour compte en conformité avec la réalisation des ODD.
La crise risque d’aggraver les inégalités de genre. En effet, les femmes sont plus exposées aux risques de la crise et ont également des besoins spécifiques de protection sanitaire et médicale qui ne sont pas toujours satisfaits. Cela est d’autant valide que les femmes sont surreprésentées dans les emplois les plus exposés. Au Maroc, le taux de prévalence des violences domestiques est de 52%, soit 6,1 millions de femmes avant la crise et le monde observe aujourd’hui une tendance haussière. Enfin, la résilience communautaire dépend en grande partie des femmes ; le dialogue communautaire devrait être renforcé pour inclure les voix des femmes dans la recherche d’une réponse de crise.
En conclusion, le renforcement de la protection sociale semble être une réponse appropriée et viable aux impacts négatifs du COVID-19, notamment sur les populations vulnérables opérant dans les différents segments de l’économie marocaine.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS DES AGENCES DES NATIONS UNIES
Recommandation #1: Élaboration d’un nouveau modèle d’équilibre économique et de développement durable, aligné avec la réalisation des ODD et appuyé par un suivi des indicateurs déjà disponibles
Alors que le Maroc élabore un nouveau modèle de développement, le Système des Nations Unies et ses partenaires proposent d’apporter un soutien et un accompagnement à cette réflexion autour d’un nouveau modèle d’équilibre économique et de développement durable, en alignement avec la réalisation des ODD, en tirant les leçons de la crise actuelle et en ne laissant personne pour compte. Cette recommandation s’inscrit dans les axes 3 et 4 du Cadre de réponse socio-économique promu par le Secrétaire général des Nations Unies. Dans le contexte marocain, cette recommandation implique, dans un premier temps, de soutenir l’analyse d’impact de la crise sur les différents secteurs, l’appui à la planification de la réponse économique et sociale, ainsi que la gestion des ressources.
Recommandation #2 : Innover dans la collecte et l’analyse des données contextualisées afin de ne laisser personne pour compte
Conscient que les données fiables et la transparence contribuent à la fois à l’amélioration des politiques publiques et à la confiance des citoyens, le Maroc a accompli des efforts significatifs de transparence et de gestion des données, ce qui renforce le respect des règles et l’acceptation des mesures par la population. Dans un contexte de pression accrue sur les ressources publiques, il est important de construire une compréhension commune et tangible, permettant de mesurer l’impact de la crise et des politiques visant à la mitiger.
Le Système des Nations Unies propose d’accélérer la mise en place de méthodes innovantes pour collecter, analyser et tirer des données contextualisées en temps de crise, afin d’accompagner au mieux la prise de
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décision. La digitalisation, l’Intelligence Artificielle et les nouvelles technologies en général sont déjà au centre de la compréhension de la crise à travers le monde et généreront aussi des enseignements selon l’expérience qui en est faite par les services gouvernementaux, les entreprises et la société civile marocaines. Cette recommandation est transversale et s’applique à la totalité des axes promus par le Secrétaire général des Nations Unies dans son Cadre de réponse socio-économique à la crise du COVID- 19.
Recommandation #3 : Voir la crise comme une opportunité de renforcer la régionalisation avancée et valoriser le rôle de la société civile
Depuis l’enclenchement de la crise, les exemples d’efforts et de solidarité locale ne manquent pas. Les collectivités territoriales et la société civile sont souvent en première ligne, notamment pour collecter les informations sur le terrain auprès des populations vulnérables et participer ainsi à une réponse nationale coordonnée entre les autorités locales, représentants de l’autorité centrale et société civile.
Cette recommandation, en cohérence avec l’axe 5 du cadre de réponse socio-économique du Secrétaire général des Nations Unies, s’applique d’autant plus en temps de crise où les stratégies nationales de réponse sectorielle ne peuvent être mises en place sans une planification et une budgétisation régionale renforcée.
Recommandation #4: Accorder une attention particulière à l’évolution de la pauvreté multidimensionnelle et à la planification d’une réponse inclusive
Il est recommandé d’accorder une attention particulière à la pauvreté multidimensionnelle. Il s’agit de planifier une réponse adaptée aux segments de la population les plus durement touchés par la crise, et donc les plus vulnérables à basculer dans la pauvreté. Il s’agit des salariés des PME, des travailleurs indépendants, des travailleurs agricoles et des journaliers. L’impact selon le genre étant particulièrement différencié, cette approche devra l’intégrer, ainsi que les populations migrantes, réfugiées, et demandeurs d’asile, souvent premières victimes du ralentissement économique. Il est important de ne pas considérer uniquement le volet monétaire de la pauvreté. L’accent est mis sur la pauvreté multidimensionnelle car les conséquences sur la santé et l’éducation ne sont pas toujours captées par les indicateurs monétaires. Les indicateurs déjà existants et portant sur les ODD sont, à cet égard, des instruments de compréhension et de suivi utiles pour une compréhension approfondie des besoins des populations.
Recommandation #5 : Investir dans la continuité des services publics de santé, d’éducation et d’administration durant et après la crise
Les services publics essentiels constituent l’unique filet social pour certaines populations, les plus vulnérables. Certains indicateurs montrent déjà un impact de la crise sur l’accès aux services de base. Sur le plan sanitaire, 30% des ménages éligibles aux services de consultations prénatales et postnatales (33% en milieu rural) ont dû renoncer à ces services selon l’enquête réalisée par le HCP en avril 2020 sur les effets de la crise sur les ménages. Cette interruption des services publics essentiels, souvent liée à la peur du virus, à l’incertitude quant à la durée de la situation, à la réduction de la mobilité ou au manque de connectivité, peut créer des vulnérabilités latentes ou amplifier les vulnérabilités déjà existantes, qui risquent alors de se manifester de manière plus profonde dans les mois et les années à venir. Cela est valable pour la santé (dépistage des pathologies et soins réguliers), mais également pour l’éducation, où les interruptions de scolarité augmentent le risque d’abandon scolaire. En cohérence avec l’axe 2 du Cadre réponse socio-économique du Secrétaire général des Nations Unies, il est donc recommandé de capitaliser sur les efforts déployés en temps de crise pour investir davantage dans la résilience des services publics afin qu’ils puissent assurer une continuité de l’offre, quelle que soit la situation sanitaire ou économique.