Poursuivie pour «avortement» et «débauche», la journaliste marocaine Hajar Raissouni reste en prison

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Entre 600 et 800 avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc, selon des estimations d’associations. L’article 453 du code pénal punit l’avortement sauf dans le cas où la vie de la mère est en danger. Il prévoit jusqu’à deux ans de prison pour une femme qui se fait avorter, de un à cinq ans pour quiconque pratique un avortement sur autrui.

«Sont punies de l’emprisonnement d’un mois à un an toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles», conformément à l’article 490 du code pénal marocain.

L’affaire Hajar Raissouni cumule ces deux combats menés par de plus en plus de citoyennes et citoyens marocains pour leurs libertés individuelles. A mesure que ce genre d’affaires éclate, leur mobilisation grandit.

Hajar Raissouni, 28 ans, reporter au quotidien arabophone Akhbar Al-Yaoum, risque jusqu’à deux ans de prison en vertu du code pénal marocain, qui sanctionne les relations sexuelles hors mariage et l’avortement.

La journaliste a été arrêtée en même temps que son fiancé, un universitaire soudanais, le gynécologue qui l’a traitée, un infirmier et une secrétaire. Elle est poursuivie pour «avortement illégal» et «relations sexuelles hors mariage». La justice marocaine a rejeté vendredi sa demande de mise en liberté. Le tribunal n’a pas désavoué la police judiciaire, comme l’a relevé un de ses avocats. Classique au Maroc.

Placée en détention après son arrestation fin août devant un cabinet médical de Rabat, la journaliste assure avoir été soignée pour une hémorragie interne. Elle dénonce depuis son arrestation une «affaire politique». Pour Reporters sans frontières (RSF), elle est «victime de l’acharnement judiciaire contre les journalistes». L’ONG Amnesty International a dénoncé des «accusations forgées de toutes pièces» et Human Rights Watch une «violation flagrante de son droit à la vie privée et à la liberté».

Affaire politique ou pas, des arrestations pour avortement ou relations sexuelles entre deux adultes consentants n’ont de toute façon pas lieu d’être pour de nombreux militants au Maroc. Comme l’explique la journaliste marocaine Aida Alami dans Loopsider, ces lois liberticides sont par ailleurs utilisées par le pouvoir pour se délester des gens qui le dérangent, dont les journalistes.

En 2018, la justice marocaine a poursuivi 14 503 personnes pour débauche, 3 048 pour adultère, 170 pour homosexualité et 73 pour avortement, selon les chiffres officiels. Le procès de Hajar Raissouni doit reprendre lundi.

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