France : Islamophobie rampante sous couvert de « féminisme » (étude)

Alors que la France a récemment pris de nouvelles mesures pour lutter contre l’antisémitisme, l’islamophobie décomplexée de nombreux responsables politiques, révélée au grand jour dans l’affaire Décathlon, suscite de vives polémiques dans le pays.

Séisme social et politique dans le pays des Lumières jadis symbole de la démocratie et des droits de l’homme.

En effet, après le mouvement des gilets jaunes -preuve d’un profond malaise socio-économique dans le pays -, l’intégration de l’antisionisme dans la définition juridique de l’antisémitisme qui limite plus que jamais la liberté de pensée ainsi que l’affaire Décathlon suscitant les pires débats islamophobes, on se pose tous la question suivante : quel avenir pour la France ?

Dans un contexte où on assiste à la montée des partis d’extrême-droite dans l’ensemble de l’Europe, la France secouée tous les jours un peu plus par des cas de racisme et d’islamophobie ne fait plus exception.

Si la peur et la haine de l’Islam et des Musulmans sont à l’heure actuelle monnaie courante dans les discours des politiques, éditorialistes et internautes, les femmes -comme presque toujours- en sont les premières victimes.

Mais pourquoi et comment l’islamophobie se banalise-t-elle ? Les femmes musulmanes sont-elles devenues une cible en France, pays démocratique censé protéger les droits et libertés de l’ensemble de ses citoyens sur un même pied d’égalité et sans aucune discrimination ?

Une dérive de la « laïcité »

Sur le site web du gouvernement français, on trouve la définition suivante de la laïcité : « la laïcité repose sur trois principes et valeurs : la liberté de conscience et celle de manifester ses convictions dans les limites du respect de l’ordre public, la séparation des institutions publiques et des organisations religieuses, et l’égalité de tous devant la loi quelles que soient leurs croyances ou leurs convictions ».

Or cette définition est aujourd’hui sortie de son contexte et est constamment utilisée à des fins islamophobes avec une totale confusion entre « l’espace public » et « l’espace privé ».

C’est ainsi que dans l’affaire Décathlon, celles et ceux qui s’opposaient à la commercialisation du hijab sportif par une marque privée soumettaient souvent l’argument du « non-respect des valeurs françaises dont le principe de la laïcité » alors que comme l’explique très bien la députée du Val-d’Oise Fiona Lazaar, « il s’agit d’une entreprise privée, pas d’un service public. Decathlon a le droit de vendre ce produit et les clients ont le droit de l’acheter ou non ».

Aujourd’hui, la laïcité est perçue par beaucoup en France comme « l’athéisme de l’Etat » plus qu’une séparation des cultes et de l’Etat. Cependant, le Collectif Contre l’Islamophobie en France nous avertit sur le danger d’une telle interprétation du terme : la laïcité ne signifie pas « l’interdiction du religieux mais au contraire, une garantie de la liberté de conscience, à savoir la liberté de croire ou de ne pas croire ».

Récupération politique de la question du port du voile

S’il est évident qu’il n’existe aucun lien entre l’affaire Décathlon et le principe de la laïcité comme essaient de faire croire certains responsables politiques, l’argument principal qui ressort dans les débats en faveur de l’interdiction du port du voile est la perception selon laquelle une femme voilée serait forcément soumise, rejetterait le contact avec l’Autre, ne prendrait pas la décision de se voiler par elle-même mais sous pression familiale et sociale ou essaierait de faire passer le message d’un « islamisme politique » par sa tenue vestimentaire.

Avec une telle perception du foulard islamique par une frange de la société, la récupération politique de toute affaire en lien avec la femme musulmane devient bénéfique pour tout pseudo-féministe qui veut se faire remarquer :  l’une des porte-paroles du parti Les Républicains, Lydia Guirous, écrit ainsi que « Décathlon se soumet à l’islamisme qui ne tolère les femmes que la tête couverte d’un hijab pour affirmer leur appartenance à la oumma et leur soumission aux hommes ». Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne et président de Debout la République, surenchérit : « Le sport libère, le voile asservit ! Décathlon doit retirer son hijab de running ! J’appelle au boycott. J’ai 2 filles et je n’ai pas envie qu’elles vivent dans un pays qui régresse comme en Arabie Saoudite ».

Bien évidemment pour ces responsables politiques, prendre la parole au nom des « femmes musulmanes » -comme si elles en avaient besoin – est un signe de « féminisme » alors que paradoxalement ils / elles prétendent vouloir les libérer et leur donner la possibilité de faire un choix sur leur mode de vie !

Le rejet de la femme musulmane voilée « émancipée »

Malgré ce genre de prises de position controversées au sujet du port du voile par certains politiques qui se donnent de faux airs de féministes, il est évident qu’une femme voilée est tout à fait capable de prendre ses propres décisions, faire ses propres choix tout en s’émancipant dans la société.

L’émancipation se définit comme « l’action de s’affranchir d’une autorité, de servitudes ou de préjugés ». En parallèle avec cette définition, il est possible d’affirmer que dans toutes les affaires ayant suscité de vives polémiques en France, on observe des femmes voilées libres et émancipées plutôt que des femmes isolées dans l’ombre, soumises et sous tutelle masculine.

Afin d’illustrer nos propos, citons les exemples des polémiques sur le port du burkini sur les plages, de l’affaire Mennel Ibtissem (brillante candidate de « The Voice »), des débats sur le voile islamique d’une présidente du syndicat étudiant UNEF (Maryam Pougetoux) et dernièrement de l’affaire Décathlon.

Dans ces exemples, il est clair et net qu’une femme musulmane qui nage, qui chante, qui agit en tant que syndicaliste ou encore qui fait du sport, n’a rien d’une femme soumise et dans l’ombre. C’est au contraire une femme qui participe activement à la vie sociale, qui n’a pas peur du regard et des jugements d’autrui et qui prend ses propres décisions sans aucune pression. Donc pourquoi rester si silencieux devant tous ceux qui les condamnent et les lynchent par des insultes, chantages et menaces -à un tel point que Mennel a préféré quitter l’émission The Voice et par la suite la France ! – ou encore prendre leur défense au nom d’un certain féminisme décalé ou d’une interprétation complètement erronée de la laïcité ?

En conclusion, il convient de souligner les « paradoxes » de la France où l’islamophobie et les attaques des femmes musulmanes par la même occasion ont pris une ampleur plus qu’inquiétante. Ainsi, le correspondant parisien du Washington Post, James McAuley, ironise au sujet de la laïcité en France : « Les vêtements que les femmes musulmanes choisissent de porter sont un sujet à polémiques en France, une société officiellement laïque qui interdit tout signe et symbole religieux dans la vie publique – à l’exception, bien sûr, des crèches et des sapins de Noël qui décorent les mairies en hiver ». Et que dire de l’amendement, qui prévoit que les formulaires scolaires devront porter les mentions « parent 1 » et « parent 2 » et non plus « père » et « mère » pour protéger des couples ou des familles « dégenrés » ? La France de nos jours privilégierait-elle et défendrait-elle certaines visions et modes de vie plus que d’autres qu’elle rejette violemment ? Devant ces faits et exemples qui illustrent l’hystérie collective en France autour de l’Islam, l’avenir des familles musulmanes est aujourd’hui incertain. Mais ce qui est encore plus incertain est l’issue du chemin que prend progressivement la France vers des restrictions, pénalisations, et le silence coupable devant les injustices, discriminations et inégalités.

TRT.  Öznur Küçüker Sirene, 06/03/2019

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