La migration et l’espace maghrébo-sahélien Deuxième partie
A l’occasion de l’organisation du Forum mondial sur la migration et le développement (FMMD) à Marrakech le 10 et le 11 décembre 2018 qui est co-parrainé par l’Allemagne et le Maroc, j’ai cru utile de revenir sur un article que j’avais rédigé il y a quelques années sur la migration dans l’espace maghrébo-sahélien qui fait partie du pourtour du bassin méditerranéen. J’ai déjà publié la première partie de cet article sur mon mur Facebook le 4 décembre 2018. Le lecteur en trouvera la deuxième et dernière partie dans la suite de ces lignes.
Les mutations migratoires
Loin d’être uniquement des mouvements du Sud vers le Nord, les migrations obéissent aussi à des mouvements Sud-Sud, voire Nord-Sud. Elles sont interrégionales, en particulier internes à l’Asie et à l’Afrique. Sur ce dernier continent, en raison de conflits multiples, les régions des grands lacs et du Sahel sont devenues les lieux des grands mouvements de population.
La nature des migrations Sud-Nord auxquelles s’ajoutent aussi les flux Sud-Sud changent. Les migrants sont souvent issus des classes moyennes. D’ancien pays d’émigration, le Maroc est devenu également un espace d’immigration, c’est-à-dire d’accueil ou de transit. La dynamique et l’envergure de la migration qui suscitent chez cet Etat accueillant l’appréhension, lui apportent aussi des bénéfices socio-économiques et culturels. Ainsi, loin des clichés sur les immigrés miséreux, le retraité français établi au soleil du Maroc fait figure de migrant nanti. De même, de nombreux diplômés espagnols où français viennent à présent s’installer au Maroc en quête de travail. Ces diplômés qui s’installent en premier lieu dans les zones urbaines incitent-ils le Maroc par exemple à prendre conscience des défis et des opportunités que recèlent ces migrants ?
La question à propos de ces mouvements migratoires n’est-elle pas déjà brûlante au Maroc ? A la suite de la séance de travail consacrée à l’examen de la situation problématique migratoire au Maroc que le Roi Mohammed VI avaient de présidé le 10 septembre 2013, des commissions avaient été constituées pour la mise en œuvre d’une nouvelle politique de la migration au Maroc. En agissant ainsi, le Maroc voulait-il prendre le taureau par les cornes pour être au diapason des évolutions de la migration ? Saura-t-il élaborer tout seul des programmes pour les problèmes de migration auxquels sont confrontés les pays du Maghreb et du Sahel ? Ou bien le Maroc a-t-il l’intention de lancer des initiatives dans un cadre de partenariat et de coopération avec les autres pays du Maghreb et du Sahel d’un côté, et l’U.E de l’autre, pour protéger les migrants et les réfugiés climatiques fuyant la famine, les guerres et le terrorisme ? Nous osons le croire
La conférence régionale des pays du CEN-SAD (les pays de Sahel et du Sahara) que le Maroc avait accueillie le 14 novembre 2013 confirmait-elle ces interrogations ? Cette conférence avait-elle pour vocation de discuter les causes et les effets des problèmes dont souffre l’espace maghrébo-sahélien et de renforcer la sécurité des frontières que le colonialisme français avait léguées aux pays de cet espace et dont l’Algérie avait été la plus favorisée aux dépens du Maroc. Les colonialismes français et espagnol ne sont-ils pas à l’origine de l’actuelle situation problématique des pays de l’espace maghrébo-sahélien, y compris le conflit algéro-marocain ?
Toutefois, il n’est pas inutile de rappeler que le colonialisme français avait créé ou plutôt ébauché en 1957 un projetambitieux pour le Sahara maghrébo-sahélien qui n’avait jamais été mené jusqu’à son terme : l’Organisation Commune des Régions Sahariennes (l’O.C.R.S) qui présentait deux particularités originales :
– Considérant le Sahara comme un tout, l’O.C.R.S constitue un organe de coopération entre la France et divers territoires d’Afrique blanche et noire (Algérie, Niger, Tchad).
– S’assignant un but de promotion économique et sociale, cette O.C.R.S sert de Trait d’Union entre le Sahara d’hier et celui de demain.
Alors, pourquoi ne pas s’inspirer de ce projet qui comprend beaucoup d’aspects positifs facilitant l’intégration socio-économique de cet immense espace saharien situé entre le Maghreb et les pays du Sahel et du Sahara (Cen-Sad). En effet, ce projet (l’O.C.R.S) qui considère le Sahara comme un tout, s’il est actualisé par les protagonistes, il pourra constituer un organe de coopération entre les pays de l’Espace maghrébo-sahélien et l’U.E.
De même, pourquoi les pays de l’espace maghrébo-sahélien et de l’U.E à travers la France, l’Espagne et l’Italie qui ont tous un passé colonial dans cette immense étendue qu’est l’espace maghrébo-sahélien, ne se réunissent-ils pas autour de cet ambitieux projet pour se mettre d’accord sur une plate-forme minimale en vue d’agir ensemble au moyen d’un plan de développement et d’intégration socio-économique fondé sur la croissance inclusive et le dynamisme entrepreneurial des classes moyennes dans cette région afin de mieux maitriser, voire de limiter la vague des flux migratoires du sud vers le nord du bassin méditerranéen. D’autant plus que sous l’influence de la globalisation des problèmes socio-économiques et de l’amplification des flux migratoires dans tous les sens qui sont devenus de véritables enjeux géopolitiques à l’échelon planétaire, les relations internationales s’ouvrent à de nouvelles dimensions de multipolarité et de multilatéralisme convergeant de plus en plus vers le développement des travaux d’approches globales des problèmes écologiques et de développement socio-économique…