L’administration marocaine : Quatrième partie

Réforme de l’Etat

Nous avons mentionné dans la précédente partie de cet articleconsacré à l’administration marocaine quelques dysfonctionnements qui gangrènent depuis des décennies l’Etat marocain, à savoir : la corruption jusqu’aux plus hautes autorités du pays, la paupérisation des populations rurales et urbaines, le manque de sécurité des citoyens dans de nombreux quartiers des centres-villes, dans les écoles, dans les transports en commun, dans les logements, etc.

Par-delà ces dysfonctionnements, l’Etat marocain est hypertrophié, surdimensionné par la pléthore desfonctionnaires, des employés qui sont souvent inutiles, avec une durée de travail par semaine très insuffisante, et dont les actes effectués et les services rendus reviennent excessivement chers. Enfin et surtout, l’Etat marocain est prolifique en législation et en réglementation dont la multiplication bloque toute initiative privée ou publique (les mouvements de protestation des populations des provinces d’Al Hoceima et de Jérada viennent de nous le prouver). L’inflation des prescriptions et des règles engendre un sentiment d’inquiétude et d’angoisse. C’est pourquoi, le droit n’apparait plus pour le Marocain comme une protection mais comme une menace. Laisser proliférer un droit complexe et diffus qui n’est accessible qu’à une poignée de spécialistes est contraire au principe d’égalité devant la loi. Ainsi y a-t-il ceux qui ont les moyens de s’offrir les services des experts pour détourner subtilement la loi et ses labyrinthes juridiques à leur profit, et les autres, les laissés pour compte.

A ces dysfonctionnements s’ajoutent des problèmes que l’évolution de la société marocaine pose ou plutôt impose au royaume et auxquels l’Etat marocain doit apporter les solutions nécessaires. Parmi ces problèmes, nous allons en retenir dans la suite de ces lignes trois que voici :

Le premier problème est lié à la pression démographique qui consiste en la mobilité biologique, spatiale, sociale. En effet, comment une population peut-elle avoir le dynamisme indispensable à sa croissance et à sa compétitivité si la plus grande partie du patrimoine est détenue par une poignée d’oligarques et de trabendistes pas du tout disposés à prendre des risques qui font partie de l’esprit d’entreprise. Le pôle makhzénien de l’Etat, ses oligarques et ses trabendistesrefusent d’associer au processus de développement, à la grandeur et à la fortune du royaume une population marocaine composée à peu près de 70 % de personnes âgées de moins de 35 ans et dont une partie désire entreprendre, et par voie de conséquence, aspire à participer à la croissance et à l’ascension. Il est à noter également à ce sujet que la population marocaine est composée de plus ou moins 40 % de personnes âgées de moins de 15 ans et dont 4 enfants sur 10 vivent dans la pauvreté.

Par ailleurs, les réformes indispensables, sur lesquelles nous attirons l’attention du Makhzen pour que l’exclusion de la jeunesse du processus de développement du royaume ne compromette pas les possibilités de croissance économique et de stabilité politique, se heurtent à des résistances et à une inertie, lourdes de conséquences. Bien des décisions devront être adoptées pour y porter remède.

Le deuxième problème sur lequel on a toujours insisté concerne le rapprochement entre l’administration et ses administrés, c’est-à-dire l’interactivité administration/administrés dans la gestion des affaires privées et publiques soit directement, soit par le biais des réseaux sociaux. Il est certain que chaque Marocain attende que soit organisé un Etat ‘’interactif’’ dont les services seront ouverts à un dialogue, en temps réel, avec les administrés.

Le troisième problème est posé par le passage de la société marocaine à une société pluriculturelle complexe, par-delà l’existence des cultures nationales et régionales. Il est la conséquence de la mondialisation qui consiste en la circulation, sans limite territoriale, des biens, des personnes, des capitaux, des services, des idées, des connaissances

En effet, la mondialisation soumet l’Etat marocain à des nouveaux défis : revendications régionales, revendications de l’immigration des populations majoritairement subsahariennesqui ne sont pas de ‘’culture marocaine’’, qui demeurentattachées à leurs cultures, à leurs religions, à leurs coutumes, comme c’est leur droit fondamental. Toutefois, dans la mesure où la politique d’intégration des immigrés n’existe pas au Maroc, il sera donc nécessaire de tenir compte de leurs spécificités culturelles dans l’enseignement de leur jeunesse, dans la pratique religieuse, dans les habitudes de vie, dans les coutumes, etc. Tout cela devra être mené conjointement avec des associations créées, financées sur fonds publics, dans des quartiers à forte population immigrée. Ainsi, un passage progressif et sans doute compliqué à une société multiculturelle sera possible. L’Etat se doit de s’adapter à cette évolution mondialiste en reconnaissant, puis en garantissant les droits culturels des minorités. Les tâches ou plutôt les procédures qui consisteront en la réforme de l’Etat à ce sujet  incomberont au politique et au législateur marocain en premier lieu.

De quel Etat avons-nous besoin au Maroc ?

A suivre…

Saïd CHATAR

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