La Mauritanie face au conflit du Sahara : entre neutralité active et affirmation de souveraineté

Bouchaib El Bazi

Bruxelles– Dans un contexte régional en mutation, la Mauritanie réaffirme son positionnement constant dans le dossier du Sahara occidental en adoptant une neutralité active, conjuguée à une politique de fermeté en matière de souveraineté territoriale. La fermeture du passage frontalier de Bir Oum Grein (brièvement appelé « La Bréika »), situé à la frontière entre la Mauritanie, l’Algérie et la zone tampon, traduit cette posture de vigilance stratégique, sans pour autant remettre en cause les relations profondes qu’entretient le pays avec le Maroc.

S’exprimant sur France 24, le porte-parole du gouvernement mauritanien, le ministre de la Culture et des Relations avec le Parlement, El Hussein Ould Meddou, a souligné que la Mauritanie ne reste pas neutre au sens passif, mais œuvre activement pour rapprocher les parties en conflit, à savoir le Maroc et le Front Polisario, dans l’objectif de favoriser un règlement politique durable qui libère la région du Maghreb de décennies d’enlisement.

Selon lui, cette posture est reconnue par les Nations Unies, qui considèrent la Mauritanie comme un partenaire fiable et équilibré, capable de jouer un rôle de facilitateur dans un dossier longtemps figé.

Des décisions de terrain à portée géopolitique

Le positionnement de Nouakchott, bien qu’officiellement neutre, se traduit par des actes concrets qui semblent consolider indirectement la légitimité du Maroc dans ses provinces du Sud. Le journaliste politique marocain Bouchâib El Bazi estime à ce propos que :

Bouchâib El Bazi :

« La Mauritanie adopte une neutralité qui penche vers une reconnaissance implicite de la réalité sur le terrain, notamment depuis la coordination sécuritaire autour du poste frontalier d’El Guerguerat, suite à son rétablissement par les forces armées marocaines. Cela révèle une conscience mauritanienne croissante des enjeux stratégiques régionaux, notamment face aux pressions internes exercées par le Polisario. »

Refus clair d’instrumentalisation par le Polisario

Le président de l’Observatoire saharien des droits de l’homme, Mohamed Salem Abdel Fattah, a pour sa part affirmé que la Mauritanie ne tolère aucune tentative d’instrumentalisation de son territoire, ni par le Front Polisario ni par ses sympathisants. Il a rappelé que le gouvernement mauritanien a non seulement renforcé sa présence militaire dans le nord du pays, mais aussi rejeté toute tentative de franchissement du passage de La Bréika à des fins hostiles envers le Maroc.

Dans ce contexte, le projet d’ouverture d’un nouveau point de passage reliant la ville marocaine de Smara à Bir Moghrein en Mauritanie est présenté comme un levier de développement économique et de consolidation de la coopération transfrontalière. Cette initiative, inscrite dans le cadre de l’Initiative Atlantique portée par le roi Mohammed VI, s’inscrit également dans une dynamique de lutte contre l’isolement des pays sahéliens enclavés.

Un partenariat économique stratégique avec le Maroc

Sur le plan économique, les relations maroco-mauritaniennes connaissent un essor significatif. Le Maroc est aujourd’hui le premier fournisseur africain de la Mauritanie, avec environ 73 % des importations maghrébines de Nouakchott. Le passage d’El Guerguerat joue un rôle crucial dans ce flux commercial, notamment en ce qui concerne les produits agricoles marocains.

Le journaliste Bouchâib El Bazi souligne à cet égard :

« La stabilité des échanges entre le Maroc et la Mauritanie témoigne de la solidité d’une relation économique pragmatique qui transcende les divergences politiques. Cette complémentarité est un facteur de résilience face aux turbulences régionales. »

Une vigilance accrue face aux risques sécuritaires dans le Sahel

La Mauritanie reste cependant sur ses gardes. L’évolution des menaces sécuritaires au Sahel, notamment à ses frontières avec le Mali et l’Algérie, renforce sa détermination à contrôler étroitement ses points de passage. La zone de La Bréika, longtemps perçue comme poreuse, a fait l’objet de mesures renforcées, notamment via le déploiement de drones de surveillance.

En réponse aux rumeurs sur la présence de forces étrangères, le ministre Ould Meddou a fermement démenti :

« Il n’y a aucune force étrangère sur le sol mauritanien. Notre pays contrôle l’intégralité de ses frontières et suit avec la plus grande attention l’évolution du contexte régional. »

Par ailleurs, il a exprimé l’inquiétude de son gouvernement concernant le remplacement potentiel de Wagner par un corps expéditionnaire russe au Mali, tout en insistant sur l’ouverture de la Mauritanie à tous les partenariats internationaux constructifs.

Face à un conflit aussi sensible que celui du Sahara, la Mauritanie s’inscrit dans une logique d’équilibre et de pragmatisme. Son choix de la neutralité active, conjugué à des initiatives économiques et sécuritaires concrètes, lui permet d’assumer un rôle stabilisateur dans une région en proie à l’instabilité. Si la diplomatie mauritanienne veille à ne pas heurter les sensibilités, elle n’en demeure pas moins claire sur ses intérêts stratégiques et sur sa souveraineté nationale, ce qui la positionne comme un acteur lucide et responsable au sein du Maghreb et du Sahel.

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