Le Polisario dans l’impasse : quand même les mirages du désert ont une date d’expiration

Bouchaib El Bazi

Longtemps présentée comme un acteur incontournable du dossier saharien, la glorieuse (entendez , largement subventionnée) République Arabe Sahraouie Démocratique semble désormais vivre ses derniers jours… au format HD. Depuis le coup d’arrêt de novembre 2020 à Guerguerat – quand le Maroc a calmement, mais fermement, rétabli la circulation dans cet étroit corridor entre le mur de sable et la Mauritanie – la légendaire capacité de nuisance du Polisario s’est peu à peu évaporée. Comme une tente sans piquets, la structure vacille, et plus personne ne semble pressé de la redresser.

Tindouf, ou le dernier camp de l’imaginaire

Le décor n’a pas changé , tentes, chaleur, portraits géants du Che et slogans révolutionnaires d’un autre siècle. Mais les coulisses, elles, s’effondrent. Entre les appels à classer le mouvement sur les listes internationales du terrorisme (ce qui complique légèrement les campagnes de financement, il faut l’avouer), et la disparition progressive du soutien africain autrefois inconditionnel, le Polisario ressemble de plus en plus à un groupe folklorique errant, sans scène, sans public, et avec un chef d’orchestre coincé à Alger sans partition.

Leur diplomatie ressemble désormais à un feuilleton tunisien , mal joué, mal éclairé, et diffusé à une heure de faible audience. Même les tentatives d’exfiltration de cadres vers la Tunisie laissent perplexes , on pensait que l’asile politique se demandait, pas qu’il se glissait dans les bagages cabine.

Mauritanie : le voisin qui ferme ses fenêtres quand ça crie trop fort

Mais c’est surtout le changement de ton – et de posture – du côté mauritanien qui retient l’attention. Selon le média Info Mauritanie, Nouakchott a décidé de poser des verrous, de placer des vigiles, et de cesser les petits clins d’œil à Tindouf. Des zones frontalières ont été purement et simplement bouclées, les pistes de contrebande surveillées, les réunions tribales frontalières discrètement déconseillées. Le tout dans une ambiance de neutralité active , comprendre “restez chez vous, ou choisissez un autre désert”.

Les militaires mauritaniens, qui jadis faisaient preuve d’une tolérance quasi saharienne à l’endroit du Polisario, sont désormais priés de faire preuve de vigilance – et d’imperméabilité. La consigne est claire ,  pas de surprise, pas de campements improvisés, pas de tentes de trop.

Une reconnaissance qui se dégonfle comme un pneu dans les dunes

L’évolution est aussi diplomatique que géopolitique. De moins en moins de capitales souhaitent prêter leur logo à cette cause figée. L’Afrique du Sud fait de la résistance, mais pour combien de temps encore ? Entre les revirements latino-américains et les soutiens africains qui passent d’un “oui” révolutionnaire à un “peut-être” commercial, le Polisario se retrouve relégué au rang de syndicat sans cotisants.

Et l’ONU ? Toujours là, fidèle à sa tradition : publier des rapports, organiser des réunions, et surtout… ne rien décider. Un sport diplomatique de haut niveau dans lequel la MINURSO excelle depuis 1991.

L’Algérie : un parrain qui fatigue

Reste la question centrale , combien de temps Alger pourra-t-elle encore jouer les mécènes ? Entre inflation galopante, jeunesse bouillonnante et crédibilité internationale en dent de scie, le Polisario n’est plus un outil géopolitique rentable. Il coûte cher, très cher, pour des dividendes diplomatiques de plus en plus maigres. Et la solidarité révolutionnaire, même sous perfusion de gaz naturel, a ses limites.

Dans les coulisses, certains hauts responsables à Alger n’excluraient plus un “atterrissage en douceur” – formule pudique pour dire : “on va devoir les oublier sans trop le dire”.

Il fut un temps où la cause sahraouie mobilisait artistes, militants, chancelleries et festivals de solidarité. Aujourd’hui, elle peine à mobiliser une jeep. Le temps des rêves semble passé. Ne reste qu’un mouvement figé, porté à bout de bras par une Algérie de moins en moins patiente, ignoré par une Mauritanie de plus en plus pragmatique, et encerclé par une réalité géopolitique qu’aucun slogan ne pourra renverser.

Le sable a tourné. Et même dans le désert, il y a des directions qu’on ne prend plus.

 

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