Bruxelles : une marée rouge pour Gaza, 110 000 voix contre l’oubli

Bouchaib El Bazi, depuis Bruxelles

« À Gaza, on choisit entre mourir sous les bombes ou mourir de faim. À Bruxelles, on a choisi de marcher. »

— Une manifestante, voix tremblante, drapeau en main.

Ce dimanche, la capitale belge a vu déferler une marée humaine rouge sang. Plus de 110 000 personnes ont battu le pavé entre la gare du Nord et le quartier européen pour dénoncer ce qu’elles nomment sans détour , un génocide en cours à Gaza.

La manifestation, d’une ampleur rarement égalée en Belgique ces dernières années, s’est voulue pacifique, citoyenne, mais sans concessions. Initiée par une large coalition rassemblant syndicats, ONG, associations de la diaspora et groupes de solidarité internationale, la marche incarnait une forme de résistance civique face à une situation humanitaire de plus en plus intenable.

« Gaza n’est plus un sujet géopolitique. C’est une plaie morale qui saigne au cœur de notre humanité »,

commente Bouchâïb El Bazi, journaliste présent au cœur du cortège.

Une indignation palpable, une colère encadrée

Le code vestimentaire du jour était clair ,  du rouge, pour symboliser la ligne de sang franchie, selon les organisateurs. Malgré un refus des autorités d’autoriser une chaîne humaine autour du Parlement européen, le cortège s’est déroulé dans un calme impressionnant, encadré par un service d’ordre organisé par les collectifs eux-mêmes.

Parmi les voix fortes du jour, Carine Thibaut, directrice d’Amnesty International Belgique francophone, n’a pas mâché ses mots :

« Nous assistons à un effondrement moral des chancelleries occidentales. Les images sont là. Le carnage est documenté. Et pourtant, rien ne change. »

Elle rappelle que l’Union européenne a les outils pour faire pression, mais qu’elle choisit le silence complice.

Une marche de familles et d’espoir

Loin des slogans radicaux, la marche avait des allures de grand rassemblement familial. Des enfants brandissant des pancartes faites maison, des femmes voilées, des mères venues avec poussettes, des jeunes arborant le keffieh, et même des retraités engagés depuis les années 70 dans la cause palestinienne. Une pluralité qui redonne espoir :

« C’est la Belgique réelle qui marche ici, loin des caricatures », note Bouchâïb El Bazi.

Des artistes belges sont venus chanter la paix, des groupes de danse ont ponctué le cortège, et des bénévoles ont distribué des tracts expliquant les sanctions internationales demandées. Le tout dans une ambiance digne, empreinte d’une gravité contenue.

Gaza, l’ombre permanente

Le nom de Gaza résonne comme un écho lancinant tout au long du parcours. Des images de bâtiments effondrés, d’enfants ensevelis, et de familles entières rayées de la carte s’affichent sur les banderoles. À Gaza, la survie est devenue une forme de résistance, affirment les manifestants.

« Quand aller chercher de la farine peut vous coûter la vie, alors c’est que le monde a définitivement perdu la tête », déclare une manifestante émue, tenant la main de sa fille.

Un message politique clair

Au-delà de la compassion, les manifestants exigent la suspension des accords commerciaux avec Israël, un embargo militaire, et la reconnaissance immédiate de l’État de Palestine. Un message politique clair, à destination d’une Europe jugée timorée, voire cynique.

Bruxelles n’a pas crié. Elle a marché. Et ce silence discipliné, massif et rouge, résonnera longtemps dans les couloirs des institutions qui regardent ailleurs.

 

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