Leïla Haddioui : Quand la confession devient une stratégie de communication (et un mauvais exemple)

Bouchaib El bazi

À l’ère où l’intimité devient un produit médiatique, où les « vécus personnels » se monnayent en vues et en likes, Leïla Haddioui, mannequin et animatrice télé marocaine, a choisi de livrer une confession inattendue sur le plateau de l’émission « J’ai une question », diffusée sur la chaîne Al Mashhad. Elle y déclare, tout sourire et sans détour, avoir consommé alcool et drogues à une période de sa vie. Une sorte de coming out chimique… en prime time.

Sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’une introspection silencieuse, mais bien d’une mise en scène émotionnelle parfaitement calibrée , pleurs, rédemption, empowerment, et pour conclure, un message de soutien de sa fille — histoire de boucler la boucle sur une note familiale et lumineuse.

Sur Instagram, où elle s’est empressée de répondre aux critiques dans une story pleine de « vérités », Haddioui affirme n’avoir aucun regret. Elle s’indigne même , « Dire la vérité serait devenu une menace ». Non, Leïla, ce n’est pas la vérité qui dérange, mais la manière dont elle est instrumentalisée.

Car derrière le discours pseudo-libérateur, c’est un glissement dangereux qui s’opère , banaliser la consommation de substances illicites au nom de l’« expérience de vie », comme si s’enivrer ou se droguer faisait naturellement partie du parcours initiatique d’une femme moderne.

« J’ai tout essayé », dit-elle, comme si elle présentait un CV expérimental. Pire encore, elle justifie cela comme une tentative de compréhension, une sorte de recherche-action émotionnelle pour anticiper les choix de sa fille. Est-ce donc là le nouveau rôle de mère modèle ? Fumer pour mieux prévenir ?

Il ne s’agit pas ici de jeter la pierre à celle qui a trébuché — chacun sa trajectoire — mais de remettre en question cette mise en scène du « je suis tombée, j’en suis fière, applaudissez-moi ». Le danger, ce n’est pas son passé, c’est le message implicite , qu’il est courageux, presque tendance, d’avoir flirté avec la déchéance pour mieux briller ensuite.

Oui, la société marocaine doit évoluer et accepter la parole vulnérable. Oui, les femmes marocaines sont multiples, libres, puissantes. Mais non, Leïla Haddioui n’est pas le miroir fidèle de la femme marocaine. Car être une femme forte ne signifie pas faire de ses erreurs un slogan d’émancipation, surtout lorsque ces erreurs impliquent des comportements à risque et des substances illicites.

Dans sa déclaration enflammée, elle se revendique « femme marocaine libre, digne, debout ». Très bien. Mais la liberté n’exonère pas de responsabilité publique, surtout quand on est une figure médiatique suivie par des milliers de jeunes femmes en quête de repères.

Et puisqu’il est question de « sororité » et de « bienveillance féminine » (termes qu’elle agite comme un drapeau en fin de post), rappelons-lui qu’il ne s’agit pas de soutenir l’autodestruction maquillée en storytelling, mais de promouvoir des modèles réellement inspirants, engagés, constructifs.

En fin de compte, la vraie question n’est pas , « A-t-elle le droit de raconter son passé ? », mais bien , « À quoi sert ce récit ? » Si ce n’est à alimenter une confusion entre thérapie personnelle et tribune publique, entre authenticité et glamourisation du chaos.

Et pendant que d’autres femmes marocaines se battent dans l’ombre pour l’accès à l’éducation, à la santé, à la dignité, certaines transforment leurs égarements en campagne de relations publiques. À croire que dans le monde selon Instagram, même les dérives se retouchent.

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