Gouvernement Akhannouch : la start-up nation du népotisme et de l’impunité
Bouchaib El Bazi
Bienvenue au Royaume enchanté de la transparence invisible et de la responsabilité optionnelle. Car sous les slogans du « Nouveau modèle de développement », c’est l’ancien modèle de prédation qui prospère, avec une touche de cynisme 2.0. À sa tête : Aziz Akhannouch, chef d’orchestre d’un gouvernement aussi sourd aux cris du peuple qu’il est généreux envers ses amis.
Prenons, par exemple, l’épisode savoureux du soutien public à l’élevage ovin. Des milliards de dirhams ont été injectés pour garantir un mouton abordable à chaque foyer à l’approche de l’Aïd. Résultat ? Le mouton est resté un produit de luxe, les prix se sont envolés, les spéculateurs ont engraissé… et les contribuables ont été tondus à blanc. Qui a empoché les aides ? Mystère. Qui a été sanctionné ? Personne. Qui a osé ouvrir une enquête parlementaire ? Une commission… vite enterrée.
Mais l’inventivité de ce gouvernement ne s’arrête pas aux moutons. Même les cactus y passent. Oui, ces bonnes vieilles figues de barbarie, autrefois vendues pour quelques centimes, ont subitement connu une flambée de prix. Une coïncidence heureuse ? Non. Une stratégie piquante : introduire une charmante cochenille destructrice pour raréfier l’offre… et valoriser les produits cosmétiques à base d’huile de figue de barbarie. À qui profite le crime ? Quand business et biologie se rencontrent, la démocratie tousse.
Quant au secteur agricole – pourtant fierté du chef du gouvernement – il tangue entre sécheresse structurelle et gestion clientéliste. Le monde rural se paupérise, les jeunes fuient les campagnes, et la souveraineté alimentaire se dilue dans les rapports PowerPoint du ministère.
Et que dire des institutions de contrôle ? Le Conseil supérieur des comptes semble s’être découvert une passion pour la sieste prolongée. Les hautes instances chargées de veiller à la bonne gouvernance sont plus silencieuses que jamais. Même le roi, qui a institué ces organes pour renforcer la reddition des comptes, semble parler dans le désert quand il appelle à l’efficacité et à l’intégrité.
Mais qu’importe ! Le parti d’Akhannouch rêve déjà d’un deuxième mandat. Pourquoi se gêner quand l’opposition est en charentaises, que les médias publics sont sous perfusion, et que la corruption est devenue un mode de gouvernance ?
Encadré : Un bestiaire ministériel
Bienvenue dans le zoo institutionnel marocain, où chaque espèce politique a sa niche bien chauffée. Les moutons subventionnés, promis aux ménages modestes, se sont volatilisés mystérieusement… peut-être partis en vacances à Dubaï. Les figues de barbarie, autrefois vendues à la criée sur des charrettes, sont aujourd’hui pressées à froid pour finir en flacons de luxe, chuchotant les dividendes dans les salons feutrés de l’export. Les élus corrompus, loin d’être mis au banc, se réinventent en orateurs inspirants sur la gouvernance et l’éthique – standing ovation incluse. Et les enquêtes parlementaires, ces créatures rares et fragiles, finissent leur course dans les oubliettes de la procédure, victimes d’un environnement institutionnel notoirement hostile à la vérité.
La politique au Maroc n’est plus une vocation, c’est un business model. Et tant pis si le peuple, lui, reste actionnaire sans dividendes.