Loi sur le chômage : 184.000 bulletins de vote transformés en lettres de licenciement

Bouchaib El Bazi

Ah, la démocratie ! Ce doux système dans lequel nous votons – pleins d’espoir et parfois d’illusions – pour des représentants censés défendre nos droits, alléger nos misères et, osons rêver, améliorer nos conditions de vie. Mais parfois, souvent même, on se demande si ce n’est pas nous, les électeurs, qui avons donné à des scénaristes en mal d’inspiration l’idée d’un remake institutionnel intitulé , « Le chômage, c’est fini (pour vous) ! »

Après quinze heures de débats parlementaires — ou devrions-nous dire de gymnastique verbale — la réforme du chômage a été adoptée aux petites heures, dans un hémicycle presque aussi endormi que les espoirs des chômeurs concernés. À compter du 1er janvier 2026, plus de 180.000 personnes verront leur allocation disparaître progressivement. Parce qu’évidemment, rien ne dit “politique de l’emploi efficace” comme le retrait pur et simple du filet de sécurité sociale.

Mais soyons justes , nos élus ne sont pas totalement insensibles. Le ministre de l’Emploi, David Clarinval, promet que les CPAS (déjà sous tension) recevront des “montants conséquents”. Sans doute aussi conséquents que les incertitudes sur leur mise à disposition. Et pendant ce temps, un échange de données entre les institutions sera mis en place. Parce qu’au fond, dans un monde digitalisé, ce n’est pas un emploi qu’il vous faut, mais un bon algorithme pour annoncer que vous êtes au bout du rouleau.

Ce qui est fascinant, c’est ce petit détail que personne ne semble relever , tous ces parlementaires qui votent pour exclure les autres du chômage… ne connaîtront jamais ce sort eux-mêmes. Ils ont des indemnités, des avantages, parfois même des parachutes dorés. Et surtout , ils n’existent politiquement que parce que nous avons voté pour eux. Sans nos bulletins, bon nombre d’entre eux seraient eux-mêmes… eh bien, chômeurs. Ironie quand tu nous tiens.

Prenons Charleroi, par exemple. Cette ville abrite le plus grand nombre de “futurs exclus” dès le 1er janvier 2026 , 1.602 personnes. Un chiffre qui ferait presque penser que l’on cherche à battre un record Guinness de la précarisation.

Et comme si cela ne suffisait pas, on nous annonce un “droit au rebond”. Un droit – attention c’est nouveau – de démissionner une fois dans sa vie, et de toucher le chômage pendant six mois. Génial, non ? Quittez votre emploi toxique… pour plonger directement dans une réforme qui vous exclura du système un peu plus tard. C’est ce qu’on appelle du “rebond calculé”. Ou une mauvaise blague sociale.

Cerise sur le gâteau législatif , tout ce beau dispositif reste conditionné à l’adoption d’un arrêté royal et se heurte déjà à des conflits d’intérêts. Comprenez : personne n’est d’accord, mais tout le monde avance quand même, comme dans un mariage en fin de course.

Finalement, une question subsiste , si ceux que nous avons élus pour nous aider finissent par compliquer nos vies, ne devrions-nous pas, à notre tour, leur retirer “leur allocation” de confiance ? Ce serait un “droit au rebond citoyen”, à exercer dans l’isoloir.

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