Le Conseil des Musulmans de Belgique : un organe fantôme pour une communauté bien réelle
Intisar Azmizam
Vous n’en avez jamais voté pour eux. Vous ne savez pas exactement qui ils sont. Vous ne les croisez ni à la mosquée, ni sur les réseaux, ni même à la boulangerie. Pourtant, ils parlent en votre nom. Eux, ce sont les honorables membres du Conseil des Musulmans de Belgique (CMB) — cette noble institution sortie d’on ne sait où, pour représenter on ne sait qui, sur des sujets qu’elle ne maîtrise visiblement pas.
Une longue tradition d’invisibilité
Depuis sa création au début des années 2023, le Conseil des Musulmans de Belgique s’est imposé comme un acteur incontournable… de l’absence totale de représentation. En deux ans d’existence, le CMB a su conserver une constante remarquable , l’indifférence (voire le rejet) d’une grande partie des musulmans du pays.
Un exploit institutionnel , exister officiellement sans exister réellement.
Une élection ? Quelle élection ?
Ah, le mystère des élections du CMB… Le Graal belge de la transparence. Officiellement, il y aurait des représentants désignés. Officieusement, personne ne sait comment ni par qui. Des processus opaques comme du café turc, mais sans le goût. On ne vote pas, on ne choisit pas, mais on est représenté. C’est ce qu’on appelle la démocratie inversée , un système de nomination à base de brouillard, de réseaux et de « choix communautaires » aussi flous que les statuts de l’institution.
Un Conseil, mais pas de conseillers
Ce Conseil est censé gérer des dossiers sensibles , financement des mosquées, formation des imams, certificats halal, calendrier religieux, dialogue avec l’État… Mais à chaque crise, il répond avec un art consommé du silence ou de la confusion administrative. Si vous cherchez une déclaration claire, un positionnement solide ou même un site web fonctionnel… vous êtes probablement dans le mauvais pays.
Une représentativité à géométrie très variable
Ce qui frappe le plus, c’est l’exclusion manifeste de pans entiers de la communauté musulmane belge. Où sont les Turcs ? Les Albanais ? Les Bosniaques ? Les musulmans convertis ? Mystère. Apparemment, l’islam belge ne se conjugue qu’à quelques accents bien choisis, sur fond de quotas communautaires mal digérés.
Et ce n’est pas tout. La majorité des mosquées en Belgique ne reconnaît même pas le CMB comme interlocuteur légitime. Certains responsables religieux ne savent même pas s’il existe encore. D’autres soupçonnent qu’il n’a jamais vraiment existé en dehors des arrêtés royaux.
Représentation ou usurpation ?
Soyons clairs , le problème n’est pas qu’il existe un organe de représentation. Le problème, c’est qu’il ne représente personne, sauf peut-être quelques notables autoproclamés accrochés à leurs fauteuils comme à des privilèges d’un autre temps. Résultat , quand le gouvernement veut dialoguer avec les musulmans, il finit par parler avec des gens que les musulmans eux-mêmes évitent.
La solution ? La communauté elle-même
Et si on essayait autre chose ? De vraies élections, ouvertes, transparentes, avec des mandats limités, des mosquées impliquées, des jeunes présents, des femmes aussi — soyons fous ! Des gens compétents, issus du terrain, qui parlent la langue du pays, comprennent les lois, et ne prennent pas la religion comme tremplin pour une carrière.
Mais pour cela, il faudrait reconnaître une chose , les musulmans de Belgique ne sont pas une masse homogène, silencieuse et docile. Ils sont pluriels, organisés, souvent mieux informés que leurs prétendus représentants, et surtout fatigués d’être réduits à un décor dans les jeux politiques.
Tant que le Conseil des Musulmans de Belgique ressemblera davantage à un club fermé qu’à une instance démocratique, il restera ce qu’il est aujourd’hui , un label administratif sans âme, sans ancrage, sans avenir. Et la communauté musulmane, elle, continuera d’avancer… sans lui.