Rachida Dati : gaz, euros et silence radio — la République en mode discret
Hanane El Fatihi
Dans la famille « retour de flamme », voici venir Rachida Dati, ministre actuelle de la Culture, ancienne étoile montante de la droite, et désormais personnage principal d’un nouvel épisode de Complément d’enquête — version politico-gazière.
Car cette semaine, ce n’est pas un prix littéraire ou une déclaration fracassante sur l’état de la langue française qui la propulse à la Une, mais bien une affaire à haute teneur énergétique : 299.000 euros d’honoraires « discrets » en provenance de GDF Suez alors qu’elle était eurodéputée et avocate (les deux, oui, c’est plus rentable).
Une coïncidence facturée
Les documents, mis au jour par France 2 et Le Nouvel Obs, sont pour le moins… suggestifs. Deux virements ronds comme des balles de tennis — 149.500 euros chacun — versés à un cabinet d’avocats en 2010 et 2011, puis transférés peu après à l’attention de Mme Dati avec la mention : « Dati honoraires GDF Suez ». On ne saurait faire plus clair, sauf à ajouter une note : « Ne pas montrer à la justice. »
Mais attention, protestent ses avocats, Mes Baratelli et Pardo : « Madame Dati n’a jamais été l’avocate de GDF Suez. »Les virements ? Une illusion d’optique. Les mentions ? Des erreurs de clavier. Quant aux 299.000 euros ? Sans doute un prêt d’honneur, ou une bourse au mérite gazier.
La mémoire sélective du bulldozer
Dans les années où elle siégeait au Parlement européen (2009–2019), Rachida Dati n’a jamais caché son enthousiasme pour le gaz. Ni pour les grandes entreprises qui le transportent. À Strasbourg, elle déposait amendement sur amendement favorables au secteur. Une vision politique ? Un amour sincère du gaz naturel ? Ou bien, comme dirait le fisc, une activité accessoire rémunérée non déclarée ?
Corinne Lepage, eurodéputée à l’époque, se dit « surprise » par l’ardeur de sa collègue à défendre GDF Suez, alors même que d’autres bataillaient pour les énergies renouvelables. Faut-il voir là une coïncidence ? Rachida Dati, elle, vous répondrait probablement par un regard noir et une menace de procès.
Déjà dans la zone rouge
Ce n’est pas la première fois que l’ex-ministre de Nicolas Sarkozy fait l’objet de soupçons financiers. Depuis 2021, elle est mise en examen dans l’affaire Ghosn pour avoir perçu près de 900.000 euros de « prestations » de la filiale néerlandaise de Renault-Nissan. La justice cherche encore si ce généreux versement n’était pas un simple cadeau d’anniversaire.
Ce qui frappe, c’est cette capacité toute politique à cumuler casquette de députée, robe d’avocate et compte bancaire bien garni, sans que cela n’éveille plus de soupçons… jusqu’à ce que quelques journalistes fassent leur travail.
Une ministre en suspens
Alors, que fait la ministre de la Culture pendant ce temps ? Elle continue, stoïque, à distribuer des subventions aux scènes nationales, tout en niant farouchement toute malversation. Le gouvernement, de son côté, applique la stratégie de l’autruche républicaine : on attend que l’orage passe. Il y a les Jeux Olympiques, vous comprenez. Priorités.
Mais une question demeure : combien de temps encore le « modèle Dati » — influence, invisibilité fiscale et indignation médiatique — pourra-t-il survivre à la lumière crue d’un Complément d’enquête ?
Si la vérité éclate, certains pourraient regretter de ne pas avoir investi, eux aussi, dans le gaz. Visiblement, ça rapporte.