« Je suis musulman, j’ai des frères, mais je ne suis pas Frère musulman » — Fouad Ahidar clarifie sa position et évoque l’avenir politique à Bruxelles

Majdi Fatima Zahra

Interviewé ce jeudi soir sur le plateau de LN24, dans l’émission Bonsoir Le Club, Fouad Ahidar, président de la Team Fouad Ahidar (TFA), est revenu sur sa percée électorale aux élections régionales bruxelloises et sur les perspectives d’une coalition de gauche portée par Ahmed Laouej. Il a également tenu à répondre aux accusations qui circulent à son encontre.

Une percée politique inattendue

En quelques mois à peine, le parti Team Fouad Ahidar (TFA), fondé peu avant le scrutin régional, est parvenu à décrocher trois sièges au Parlement bruxellois. Une performance qui en fait la deuxième force de négociation du côté néerlandophone, derrière Groen.

« Nous avons donné une voix à une population souvent oubliée ou réduite au silence dans les débats politiques bruxellois », affirme Ahidar, tout en rappelant que son parti s’inscrit dans une dynamique de gauche sociale, tournée vers l’inclusion et la justice.

Vers une coalition progressiste à Bruxelles ?

Alors que le socialiste Ahmed Laouej s’emploie à former une coalition de gauche pour diriger la Région de Bruxelles-Capitale — réunissant PS, PTB et Ecolo côté francophone, Groen, Vooruit et TFA côté néerlandophone — Fouad Ahidar se dit « ouvert à la discussion », mais précise  « Nous ne sommes pas là pour être des figurants. Nous voulons porter des projets concrets pour les Bruxellois, et cela suppose un vrai respect mutuel au sein de la future majorité. »

Clarification face aux accusations

Interrogé sur certaines attaques visant sa personne et insinuant un lien avec les Frères musulmans, Ahidar a répondu sans détour  « Je suis musulman, j’ai des frères, mais je ne suis pas Frère musulman. Ces raccourcis sont dangereux et contribuent à stigmatiser une partie de la population. Je n’ai jamais appartenu à aucune organisation extrémiste, et je n’ai de comptes à rendre qu’aux citoyens. »

Le président de TFA appelle à élever le niveau du débat  « On me critique pour ma foi, mais on oublie de parler de mes actions, de mes combats pour plus de justice sociale, pour le logement, pour l’enseignement. C’est cela qui doit être au cœur des échanges politiques. »

Le nouveau sport préféré à gauche : la chasse à l’Ahidar

Dans la course à la formation d’un gouvernement régional à Bruxelles, une rumeur vieille comme le monde revient en force  « Ahidar ? Frère musulman, voyons ! » Sous-entendu : on ne peut quand même pas gouverner avec un homme qui prie, parle de justice sociale, et ose contester les monopoles installés. Voilà que le discours antiterroriste se recycle comme outil de casting politique. Et hop, le ticket de sortie !

L’accusation est aussi absurde que pratique , pas besoin de débat, ni de programme, encore moins de négociation. Il suffit de dire « Frères musulmans », et la peur fait le reste. Un coup de baguette identitaire, et vous voilà transformé de député élu démocratiquement en agent de l’ombre.

Un « problème » populaire

Le vrai souci de Fouad Ahidar ? Ce n’est ni son nom, ni sa barbe, ni ses prières. C’est son électorat. Trop urbain, trop jeune, trop divers. Et surtout : trop mobilisé. Dans une ville où l’abstention est souvent reine, Ahidar a su réveiller des électeurs qui n’attendaient plus rien de la politique. Sacrilège.

Son succès est une anomalie pour les partis traditionnels. Car TFA ne rentre pas dans les cases , ni communautariste, ni extrémiste, ni docile. Ahidar parle de mobilité, de logement, de pauvreté – et non de théologie. C’est peut-être ça qui dérange : un musulman qui fait de la politique, pas du folklore.

Quand l’étiquette remplace l’argument

À défaut de pouvoir le battre dans les urnes, certains préfèrent l’effacer des discussions. La manœuvre est aussi vieille que cynique , disqualifier avant de débattre. Une stratégie bien huilée, qui a fait ses preuves contre d’autres figures issues de la diversité. Pourquoi se fatiguer à comprendre TFA, quand on peut l’excommunier politiquement en trois syllabes , « is-la-miste ».

Mais Fouad Ahidar, loin de se laisser faire, réplique avec calme  « Je suis musulman, j’ai des frères, mais je ne suis pas Frère musulman. » L’ironie est amère , dans une Belgique qui se veut championne du vivre-ensemble, il faut encore se justifier d’être croyant et de gauche, comme si l’un excluait l’autre.

La démocratie à géométrie variable

En réalité, le cas Ahidar pose une question fondamentale : à qui appartient la politique bruxelloise ? Aux partis installés, qui refusent de partager le pouvoir, ou aux électeurs, qui ont clairement exprimé leur volonté de renouvellement ? Écarter TFA sous prétexte de fantasmes sécuritaires, c’est envoyer un message clair , certaines voix comptent moins que d’autres.

Mais attention, à force de diaboliser ceux qui bousculent les habitudes, on risque de transformer les élections en théâtre d’ombres. Et à ce jeu-là, ce n’est pas seulement Fouad Ahidar qu’on exclut. C’est une partie de Bruxelles qu’on oublie volontairement.

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