Le débat Bouchez-Magnette : friture sur toute la ligne (et pas que sur les micros)
Intisar Azmizam
Jeudi soir, 20 h. Sur le plateau feutré de la RTBF, l’émission Jeudi en prime se transforme en Fight Club fédéral. À ma gauche, Georges-Louis Bouchez, président du MR et éternel twitteur de l’instant. À ma droite, Paul Magnette, président du PS et professeur de sciences politiques à temps plein, même en plateau. Entre les deux, Thomas Gadisseux, modérateur malgré lui et futur candidat au prix Nobel de la patience.
Le débat ? Un champ de mines. Budget, Gaza, Bruxelles, gouvernements passés, présents et hypothétiquement futurs… On pourrait croire qu’un an après les élections, la tension se serait un peu relâchée. Mais non. Il y a des mariages dont le divorce ne suffit pas à calmer les rancunes. La Vivaldi est morte, vive l’hostilité.
“Je vais couper les micros !” a répété Gadisseux, comme un instituteur dépassé par une classe de sixièmes surexcités. Il faut dire que le mot “dialogue” semblait avoir déserté le plateau. À la place ,interruption mutuelle, haussement de sourcils en rafale, et soupirs exaspérés — le tout rythmé par les « non mais laissez-moi finir » et « vous êtes de mauvaise foi » distribués à la pelle.
Le MR et le PS n’ont plus grand-chose en commun, si ce n’est une allergie partagée à toute forme de consensus. Bouchez, fidèle à sa ligne , provocation douce-amère, appel à la rigueur budgétaire et passion pour les coalitions improbables. Magnette, lui, s’arc-boute sur les services publics, le social et la morale de gauche, le tout avec un air de dire : je vous l’avais bien dit.
Et le public dans tout ça ? Captif, fasciné, parfois gêné, souvent amusé. Il faut dire que la politique belge, quand elle s’énerve, a des airs de théâtre à l’italienne, entre vaudeville et tragédie grecque. On rit, mais jaune. Parce qu’en réalité, derrière les piques, se cache une question sérieuse : comment gouverner un pays où même les micros menacent de faire sécession ?
À la fin, aucun gagnant. Ni programme convaincant, ni vision partagée. Seulement deux hommes, deux partis, et une RTBF qui, au moins, aura offert à la démocratie un peu de spectacle… et beaucoup de friture.