Bruxelles, capitale de l’Europe… ou capitale de la paranoïa ?

La rédaction

Bienvenue en Belgique, ce “pays de libertés” où l’on célèbre la diversité… sauf quand elle porte un prénom arabe, une barbe mal taillée ou un foulard un peu trop visible. La dernière frayeur nationale ? Une prétendue « islamisation » rampante de Bruxelles, relayée avec l’élégance d’un tract électoral par certains élus et ex-agents du système judiciaire.

C’est désormais devenu une tradition : dès que l’ambiance électorale se tend ou que les sondages s’essoufflent, on dépoussière le vieux spectre des Frères musulmans, comme d’autres invoqueraient le monstre du Loch Ness. Darya Safai (N-VA), toujours prompte à confondre spiritualité et subversion, y voit carrément une infiltration politique à grande échelle. On imagine presque les réunions secrètes dans des kebabs éclairés à la lumière de fatwas numériques.

Et voilà maintenant Paul Dhaeyer, magistrat réputé, invité sur les ondes pour tempérer… tout en alimentant. « Il faut faire attention », dit-il prudemment, avant de glisser que « certains courants musulmans pourraient mener à la radicalisation, et donc à des actes terroristes ». On est à un cheveu du syllogisme classique : musulman = suspect.

Mais rappelons-le avec insistance : les musulmans de Belgique ne sont pas une menace, ils sont une réalité. Ce sont des enseignants, des soignants, des policiers, des élus, des travailleurs de la STIB, des juristes, des étudiants et oui, des électeurs. Ils ne sont ni une cinquième colonne, ni une secte clandestine — ils sont des citoyens. Peut-être que c’est justement ce statut, trop visible, qui dérange certains nostalgiques d’une Belgique monochrome.

La démocratie belge s’est construite sur la liberté de conscience. Il serait temps de cesser d’en faire un luxe réservé aux uns et une tolérance conditionnelle pour les autres. Car s’il y a bien un danger aujourd’hui, ce n’est pas celui d’une « islamisation », mais celui d’une hystérisation : chaque voile devient une arme, chaque mosquée une cellule dormante, chaque débat un procès d’intention.

Alors oui, la vigilance est un devoir. Mais à condition qu’elle ne serve pas de masque à une suspicion généralisée, ni à camoufler des postures électoralistes sous couvert de sécurité nationale. Il y a une différence fondamentale entre surveiller des comportements extrémistes, et criminaliser une foi.

Bruxelles ne deviendra pas « islamisée ». Mais elle risque bien de devenir schizophrène si elle continue à voir des menaces dans ses propres citoyens. Or la liberté, la vraie, ce n’est pas seulement d’accepter la différence quand elle nous ressemble. C’est de la défendre… même quand elle nous bouscule.

Et si vraiment certains ont peur des musulmans, peut-être devraient-ils commencer par leur parler. Ou mieux encore : les écouter.

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