Bruxelles politique : quand la foi dérange plus que les failles – ou l’art de botter en touche à la belge

Hanane El Fatihi

Il fut un temps – pas si lointain – où on croyait que seuls les débats budgétaires endormaient l’électeur bruxellois. Mais que nenni ! C’est aujourd’hui une querelle bien plus existentielle qui anime les couloirs du pouvoir régional , faut-il avoir la foi pour gouverner ? Ou pire : faut-il la cacher pour être toléré ?

Invité dans l’émission Bonjour Bruxelles, le député régional Fouad Ahidar a répondu avec un flegme désarmant aux piques lancées – avec la subtilité d’un tracteur en salle de concert – par Yvan Verougstraete, président des Engagés. Ce dernier a, rappelons-le, récemment appelé à exclure la Team Ahidar des négociations gouvernementales, invoquant un positionnement “conservateur et religieux”. Un crime de lèse-laïcité, apparemment.

« Je pensais que c’était un grand homme », a lancé Ahidar, mi-blessé, mi-amusé, en parlant de Verougstraete. « Mais il a dû recevoir un coup de fil de Georges-Louis Bouchez, et hop, demi-tour comme à l’armée. » Le chef des Engagés, transformé en sous-traitant du MR ? Il fallait oser. Ahidar l’a fait. Et il n’a pas tort de souligner une incohérence , quand la droite flirte sans complexe avec des courants identitaires, le simple mot “culte” dans un programme politique devient, à gauche, un motif de suspicion.

Car soyons clairs : que reproche-t-on exactement à la Team Ahidar ? De défendre la liberté de culte ? De s’opposer à certaines dérives de l’écologie punitive ? D’avoir des électeurs… croyants ? Le tout dans une ville où mosquées, synagogues, églises et temples se partagent les trottoirs sans que Bruxelles ne s’effondre sous le poids du communautarisme.

Le député l’admet : les compromis sont nécessaires. Il tend même la main à ses anciens collègues d’Ecolo, aujourd’hui prêts à “revoir leur note sur Good Move”. De quoi faire tourner bien des vestes… et quelques vélos. Ahidar, lui, reste droit dans ses babouches : « Nous, on défend la liberté de culte, pas plus. »

Derrière le sarcasme et les petits règlements de comptes, c’est une question sérieuse qui se profile , la gauche belge est-elle prête à accepter qu’on puisse conjuguer progressisme politique et attachement spirituel ? Ou va-t-elle continuer à considérer toute visibilité religieuse comme une atteinte à la République – fût-elle bruxelloise, et donc farouchement surréaliste ?

Un dernier mot, adressé à M. Verougstraete , quand on commence à classer ses partenaires potentiels selon leur rapport à la foi, il ne reste plus grand monde pour construire une majorité. Et surtout, ça finit par ressembler à ce qu’on prétend combattre , de l’intolérance masquée sous des principes universels.

Alors, messieurs les stratèges, un peu de courage, comme dirait Fouad , ça ne fait pas de mal.

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