La diplomatie au congélateur : Paris menace les portefeuilles algériens, Alger s’indigne
Bouchaib El Bazi
En diplomatie, il y a les tapes dans le dos… et les coups de froid dans les comptes bancaires. Selon une fuite ô combien opportune publiée par L’Express, la France envisagerait de geler les avoirs de vingt dignitaires algériens. Vingt têtes bien coiffées du système, entre galons, fonctions régaliennes et villas dans le 16ᵉ arrondissement.
Un changement de ton ? Disons plutôt un changement de température , après les sourires crispés et les poignées de main en sueur, Paris sort l’arme favorite des démocraties avancées — le portefeuille. Et si les relations franco-algériennes étaient un feuilleton, nous serions sans doute à la saison 62, épisode “Gel à l’ombre des palmiers”.
Geler pour mieux négocier ?
Bercy et Beauvau affûtent les instruments juridiques : on parle de lois permettant de frapper là où ça fait le plus mal — dans la pierre et les placements. Le message est clair , “Vous refusez nos expulsés ? Très bien. Mais vos duplex haussmanniens, eux, ne bougeront plus. Ni vos comptes.”
Dans les couloirs feutrés de la diplomatie, on appelle cela “pression ciblée”. Dans les cafés algérois, on parle plutôt de racket en cravate.
Réaction immédiate , tempête de thé à la menthe
Alger n’a pas tardé à sortir la kalachnikov rhétorique : l’agence de presse officielle a accusé Paris de diriger ses relations internationales avec la subtilité d’un sanglier en patins à roulettes. “Des fuites organisées, un amateurisme consternant”, tonne-t-elle, avant d’inviter la France à “nettoyer d’abord ses propres écuries d’Augias”, sous-entendant que l’Hexagone n’a guère de leçons d’éthique à donner.
Une sortie lyrique, qui aurait presque fait pleurer Racine… s’il avait été algérien.
Le nerf de la guerre, toujours le même
Ce que révèle surtout cette nouvelle tension, c’est le degré d’intrication incestueuse entre les deux systèmes , quand une élite étrangère place ses millions en France, ce n’est pas juste une anecdote bancaire — c’est un levier géopolitique. Ou, pour citer un ancien diplomate , “Donne-moi ta déclaration d’impôts, je te dirai qui tu es.”
Car derrière chaque villa à Neuilly ou SCI discrète sur la Côte d’Azur, se cache un général, un ministre ou un fils de président. Si Paris gèle, ce n’est pas une sanction , c’est une déclaration d’amour contrariée.
Un divorce consommé ? Pas si vite.
Depuis dix mois, l’idylle est en chute libre , rappels d’ambassadeurs, annulations de visas diplomatiques, arrestation d’écrivains, insultes par communiqués interposés. Et pourtant, personne ne veut vraiment rompre. Trop d’intérêts, trop de dossiers, trop de souvenirs impériaux mal digérés.
Même le dossier du Sahara occidental, où Paris a ostensiblement penché vers Rabat, n’a pas suffi à provoquer une rupture nette. Non, on préfère les petits coups bas, les fuites dans la presse, les sanctions conditionnelles.
La guerre des nerfs est lancée
Et maintenant ? La France brandit la menace d’une liste noire publique. Un genre de “Who’s Who” de la fortune algérienne en exil. Une invitation à la honte. Une tactique bien connue dans les milieux mafieux et les conseils d’administration , on ne tue pas l’ennemi, on le met à nu.
Alger, de son côté, accuse le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, de s’en servir pour des visées politiciennes — comprendre , flatter l’électorat anti-immigration à la veille d’échéances électorales.
Le théâtre continue. Les rideaux sont ouverts. Les spectateurs, eux, commencent à s’endormir.
La France menace de geler, l’Algérie menace de rompre, mais personne ne quitte vraiment la pièce. Car dans cette vieille tragédie postcoloniale, chacun connaît trop bien son rôle. Et aucun n’est prêt à abandonner la scène… surtout quand les loges sont garnies d’avoirs bien placés.