Deux présidents, un seul palais : l’Algérie invente la diplomatie schizophrène
Aradane Majda
Dans un nouveau chapitre du théâtre diplomatique absurde, le palais d’El Mouradia a accueilli une scène digne d’un vaudeville géopolitique : le président algérien Abdelmadjid Tebboune a reçu les lettres de créance… du “représentant diplomatique” de la fameuse République arabe sahraouie démocratique (RASD), cette entité fantomatique qui vit sous perfusion dans les camps de Tindouf, sur le sol algérien.
Une république sans territoire, sans économie, sans peuple librement élu — mais avec un drapeau, un hymne, une milice et surtout, une ambassade… à Alger. Le tout chapeauté, sponsorisé, dirigé et protégé par le régime militaire algérien. Que demander de plus ? Peut-être un ministère de la schizophrénie internationale ?
Recevoir un ambassadeur d’une “république” qui existe uniquement grâce à votre logistique, vos fonds, vos uniformes et vos conférences de presse, cela relève d’un génie diplomatique inédit. C’est un peu comme si un ventriloque organisait une conférence et se faisait interviewer par sa propre marionnette. Mais avec protocole, fanfare, et photos à la Une de l’APS.
Il faut le reconnaître : seuls les stratèges d’Alger pouvaient inventer ce système bicéphale. Un État dans l’État, une présidence dans la présidence. Une forme inédite de fédéralisme non consenti, où le locataire secondaire du territoire (le chef du Polisario) devient ambassadeur à la table du propriétaire (le président algérien).
Mais le plus grand tour de magie reste que l’Algérie continue à proclamer, avec le plus grand sérieux, qu’elle n’est “qu’un soutien extérieur”, un “allié désintéressé” qui ne fait que défendre le droit à l’autodétermination… en hébergeant, nourrissant, armant et représentant diplomatiquement une entité dont elle rédige les communiqués à sa place.
Il faut bien le dire : la diplomatie algérienne vient de franchir un cap. Elle n’est plus simplement partisane ; elle est désormais ventriloque. Elle parle pour l’autre, au nom de l’autre, depuis son propre territoire. Et le plus incroyable ? C’est que personne dans les chancelleries occidentales ne semble trouver cela cocasse.
Car soyons clairs : quelle est cette république dont les “ambassades” sont plus nombreuses que ses citoyens libres ? Qui peut prétendre à la souveraineté tout en dépendant intégralement d’un État-hôte ? La réponse est simple : une fiction entretenue pour servir une obsession géopolitique.
En Algérie, on ne partage pas le pouvoir, on le duplique. On ne respecte pas la souveraineté, on la maquille. Et on ne fait pas de diplomatie, on monte des pièces de théâtre, avec faux drapeaux et vrais uniformes. À ce rythme, il ne manque plus que le président sahraoui ait sa place au Conseil des ministres algérien. Après tout, il habite à côté.
Bienvenue en Algérie : seul pays au monde où l’on peut être président d’un État imaginaire, ambassadeur dans le pays qui vous abrite, et invité d’honneur d’un régime qui vous manipule. Le tout, en gardant le sourire pour la photo officielle.