Quand Bouchez joue les pyromanes du vivre-ensemble

Youssef Lafrej

Mercredi matin, à Bruxelles, dans une ambiance qui oscillait entre théâtre de boulevard et séance de psychanalyse collective, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, a cru bon de faire le tri dans la démocratie. Lors de la présentation de sa note de politique générale pour Bruxelles, le libéral montois a décidé, en toute modestie républicaine, à qui il daignerait envoyer son précieux texte. Spoiler , pas au PTB, pas au Vlaams Belang, et – surprise ! – pas à la Team Fouad Ahidar (TFA) non plus. Car, pourquoi se contenter de deux exclusions quand on peut faire le chapeau magique du rejet en trois temps ?

Mais voilà que Fouad Ahidar, figure bien connue du paysage bruxellois et capitaine autoproclamé de la TFA, a vu rouge – ou plutôt bleu MR, ce qui revient à peu près au même ces temps-ci. Non content d’être mis dans le même sac que l’extrême droite xénophobe, il dénonce un « amalgame irresponsable » et un « climat de méfiance systématique envers les personnes issues de la diversité ». Et, dans un geste plus que symbolique, il a décidé de porter plainte auprès d’Unia. Un acte rare dans le monde politique belge, où l’on préfère d’habitude s’écharper à coups de tweets passifs-agressifs.

Selon Ahidar, comparer son mouvement – progressiste, humaniste et démocratique, selon ses mots – à un parti qui frise le code pénal à chaque prise de parole, c’est un peu comme confondre un couscous solidaire avec un barbecue identitaire. Et il n’a pas tout à fait tort. Car si la TFA a effectivement surpris en arrivant deuxième dans le collège néerlandophone lors des dernières régionales, elle ne prône ni la haine de l’autre, ni la nostalgie d’un royaume flamand monochrome.

Quant à l’argument de Bouchez sur le « communautarisme » supposé de la TFA et les campagnes bilingues de son leader, il révèle surtout une obsession chronique chez certains libéraux : voir dans chaque citoyen musulman un islamiste potentiel, et dans chaque électeur néerlandophone un trublion suspect dès qu’il parle français sans complexe.

Mais le meilleur reste pour la fin. Ahidar s’étonne (à peine) que le président du MR attaque le Vlaams Belang à la tribune, tout en accueillant dans ses rangs des figures issues de l’extrême droite. Ironie belge ? Hypocrisie stratégique ? Appel d’air électoral ? À chacun son analyse. Toujours est-il que dans le roman politique belge, Bouchez semble vouloir jouer à la fois le héros, le narrateur et le pyromane. Et tant pis si le vivre-ensemble finit en cendres sur l’autel de la stratégie.

« Nous continuerons à représenter avec dignité les citoyens que d’autres préfèrent exclure ou caricaturer », conclut Ahidar. Dignité contre communication choc , le duel est lancé. Et à Bruxelles, la campagne s’annonce aussi colorée que les discours sont clivants.

 

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