Travailleurs, réjouissez-vous ! Les chômeurs vont payer pour votre “mérite”

Bouchaib El Bazi

Bruxelles – La Belgique n’a peut-être pas de gouvernement qui tient la distance, mais elle a des idées. Et quelles idées ! Dès 2026, le gouvernement fédéral entend récompenser le travail. Pas en augmentant les salaires, bien sûr – ne rêvons pas – mais en punissant plus sévèrement le chômage. Logique implacable , si l’on rend la vie des chômeurs assez misérable, les autres finiront peut-être par applaudir d’avoir encore un boulot.

C’est donc officiel (en tout cas, selon un enregistrement audio fuité comme un vieux robinet d’administration) , les allocations de chômage perdront leur réduction d’impôt. Traduction concrète ? Moins 200 euros par mois pour les intéressés. Une initiative qui, à défaut de créer des emplois, créera sûrement de l’anxiété, un peu de colère… et une bonne vieille ambiance de lutte des classes. Que demande le peuple ?

🔍 Du savoir… pour ceux qui savent payer

L’annonce, ô combien transparente, a été glissée avec élégance lors d’une conférence privée dans une école de commerce à Bruges. Un événement prestigieux, réservé à ceux qui ont les moyens de s’informer. Pendant que les députés attendent encore les textes législatifs comme des enfants sages à la Saint-Nicolas, quelques initiés savouraient, moyennant participation financière, les dessous croustillants de la future loi programme.

Wesley De Visscher, chef de cabinet du très discret ministre Jan Jambon (N-VA), y a lâché le morceau : “Je ne pense pas que quiconque comprenne cela correctement et certainement pas les journalistes.” Il fallait oser. Et il l’a fait. L’audio, rendu public sous la pression des critiques, révèle une conviction : la réduction d’impôt, c’est bientôt fini. “Ce n’est pas rien”, confesse De Visscher. Il a raison. Pour une fois.

370 millions de bonnes raisons de serrer la vis

La manœuvre devrait rapporter 370 millions d’euros à l’État. On ne sait pas encore très bien comment ces fonds seront utilisés, mais on peut supposer qu’ils n’iront pas à renforcer les services sociaux. Une partie sera redistribuée aux entités fédérées, sans doute pour mieux organiser les files d’attente aux CPAS.

Quant aux bénéficiaires directs de cette réforme ? Ils se reconnaîtront au creux de leur estomac.

 Le Parlement ? Plus tard, merci

Certains députés, comme Vincent Van Quickenborne (Open VLD), avaient flairé le coup depuis février. Il avait déjà interrogé Jambon à ce sujet – sans réponse. Il est vrai qu’il est plus facile de parler politique budgétaire devant un auditoire bienveillant à Bruges qu’en séance plénière face à une opposition hargneuse.

D’ailleurs, l’opposition (Groen et Open VLD, cette fois main dans la main) dénonce une fuite organisée de l’information , les initiés d’abord, la démocratie ensuite. Une stratégie qui ressemble à une masterclass de cynisme politique.

Quand “récompenser le travail” signifie “punir la pauvreté”

Reste cette petite ligne, dans l’accord de coalition, qu’on avait presque oubliée , “récompenser le travail”. Un slogan séduisant, qui aurait pu signifier valorisation salariale, amélioration des conditions de travail, ou soutien à la formation. Mais non. En Belgique, “récompenser le travail” signifie “rendre le non-travail invivable”. C’est moins coûteux, et ça fait joli dans un PowerPoint.

À défaut de protéger les plus vulnérables, le gouvernement innove dans l’art de les rentabiliser. 200 euros à la fois.

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