Bruxelles à gauche toute ? La soupe politique d’Ahmed Laaouej mijote à feu doux
Intisar Azmizam
À Bruxelles, le camarade Ahmed Laaouej, chef d’orchestre du PS local et grand rêveur de l’union sacrée de la gauche, a décidé de sortir le grand jeu… ou du moins les cartons d’invitation. Ce mardi soir, il organise un charmant dîner presque parfait — version politique — avec les convives les plus colorés du spectre progressiste , PS, Ecolo, PTB, Groen, Vooruit, et Team Fouad Ahidar, sorte de dessert sucré-salé dont personne ne connaît vraiment la recette.
Une coalition « progressiste » ou un casse-tête en kit IKEA ?
La réunion s’annonce chaleureuse, bien sûr. Mais derrière les accolades de façade et les communiqués pleins d’enthousiasme se cache un défi herculéen , faire cohabiter des partis qui, entre deux appels à la justice sociale, se disputent sur tout, depuis le rôle de la police jusqu’à la température idéale pour la planète. Le PS y voit une « majorité de progrès »… Les observateurs, eux, y voient surtout une majorité de problèmes.
À gauche, toute !
Dans le jargon officiel, on nous parle d’un « attelage progressiste ». On croirait presque lire le descriptif d’un char de carnaval. On y mettrait des slogans, des drapeaux, des ambitions électorales, un peu de tofu éthique et beaucoup d’illusions. La question n’est pas tant de savoir s’ils vont avancer, mais s’ils vont seulement réussir à se mettre d’accord sur la direction.
Ahmed Laaouej : la stratège ?
Il faut reconnaître au patron du PS bruxellois un certain flair pour les mises en scène. Quelques jours avant le 1er mai — date fétiche du prolétariat et cauchemar logistique pour les services de propreté — le voilà qui s’inspire d’un appel signé par 89 militants de la société civile pour relancer la dynamique. On imagine volontiers Ahmed Laaouej relisant la pétition dans son bureau, les yeux brillants, un vieux disque de Brel en fond sonore. Ah, la gauche ! Celle des grandes idées et des petites rancunes !
Mais si le casting est intéressant, le scénario reste flou. Entre le PTB qui rêve d’une révolution sans banque centrale, Ecolo qui veut planter des arbres dans chaque conseil communal, et le PS qui essaie désespérément de rester pertinent sans perdre ses électeurs historiques, la coalition ressemble davantage à une auberge espagnole qu’à un gouvernement en devenir.
Une gauche en chantier permanent
Certes, l’idée d’un front de gauche bruxellois n’est pas nouvelle. Elle revient à chaque élection, un peu comme les marronniers journalistiques ou les débats sur la tenue des jeunes. Mais cette fois, le PS semble vouloir y croire dur comme fer. Ou du moins faire semblant, le temps de quelques négociations.
La seule chose sur laquelle tout le monde s’accorde ? Le rejet d’une droite jugée trop rigide, trop libérale, trop… efficace ? Mais chasser le libéral, ce n’est pas gouverner. Et les Bruxellois, eux, attendent des résultats concrets , transports en commun, logement, sécurité, propreté. Pas des communiqués truffés d’adverbes utopiques.
On ne peut que saluer l’enthousiasme d’Ahmed Laaouej. Il faut une sacrée dose d’optimisme pour tenter de rassembler ces six formations autour d’un même programme. Mais si l’on connaît l’histoire de la gauche belge, on sait que les querelles de clochers ne sont jamais bien loin.
Alors oui, il y aura des photos, des sourires, peut-être même un hashtag dédié. Mais pour le moment, la « majorité de progrès » ressemble davantage à un slogan de campagne qu’à une réalité politique.
En attendant, les citoyens bruxellois peuvent toujours espérer… ou voter autrement.