FLN : le Titanic politique algérien lance une bouée… trouée

Mahdi Fatima Zahra

L’histoire pourrait prêter à sourire si elle ne révélait pas, en creux, l’état d’une démocratie agonisante. En Algérie, même les coups de gueule internes ressemblent à des coups de chapeau. Le Front de Libération Nationale (FLN), ce dinosaure politique censé avoir accouché de l’indépendance, accouche aujourd’hui de… coordinations, de mouvements de “sauvetage”, et de manifestes indignés rédigés à la machine à écrire d’une époque révolue.

Dernier épisode du feuilleton , une aile dissidente du FLN — ou ce qu’il en reste — a décidé de secouer la poussière idéologique qui recouvre le parti pour exiger un « congrès national inclusif ». Comprenez , un règlement de comptes sous chapiteau rouge, avec micros ouverts pour les cadres frustrés, militants marginalisés, et anciens apparatchiks en mal de parachutage électoral.

Sauver le Titanic avec des rameurs en colère

À la tête de la fronde , un certain Abdelkader Kaci, député et vétéran du sérail, qui préside désormais la flamboyante « Coordination nationale pour le sauvetage du FLN ». L’objectif ? Redonner au parti son lustre d’antan. L’outil ? Une réunion de famille politique où chacun viendra laver son linge sale au nom de la démocratie interne. Le problème ? La lessive a déjà tourné depuis 2004.

Car si le FLN est en crise, ce n’est ni la première fois, ni la dernière. À chaque échéance électorale, les fractures du parti se dévoilent comme les rides d’un visage figé par trop de lifting , luttes de clans, mises à l’écart arbitraires, suspicions de corruption… Et toujours, en toile de fond, ce triptyque bien algérien : présidence, services de renseignement, état-major militaire. Quand ce n’est pas le général qui vote, c’est le préfet qui recompte.

Le syndrome du fauteuil vide

Le drame, c’est que tout le monde s’en accommode. Le FLN, devenu simple décor du pouvoir depuis les années Bouteflika, ne se rebelle jamais vraiment. Même ses frondeurs respectent les codes , dans leur dernier communiqué, les “sauveurs” du parti se prosternent bien bas devant le président Tebboune et la grande muette. Un peu comme si l’on demandait à un prisonnier de signer sa propre permission de sortie… tout en remerciant le geôlier.

Et pourtant, que de bonnes intentions ! La coordination affirme vouloir extirper le parti du “marasme, de la médiocrité et de la faillite”. On croirait entendre un discours de campagne… pour un poste de concierge au siège du parti. Car il ne s’agit pas de rupture avec le pouvoir, mais simplement d’une tentative de reconfiguration des équilibres internes. En clair , les mêmes visages, les mêmes alliances, mais avec des chaises musicales en prime.

Un parti en état de coma assisté

Depuis 2019, et l’arrivée de Tebboune, l’espace politique algérien s’est réduit à la portion congrue. La société civile — cette hydre à mille têtes que le pouvoir dit vouloir “associer” — a remplacé les partis politiques dans les discours officiels. Les partis d’opposition, eux, oscillent entre mise au pas, infiltration, ou simple extinction administrative.

Le FLN, quant à lui, s’est fondu dans le paysage comme un vieux meuble qu’on ne veut ni jeter ni restaurer. Sa seule fonction désormais ? Offrir au régime une vitrine pluraliste, quelques poignées de députés, et des photos souvenirs de réunions entre le président et des chefs de parti qu’on confond avec leurs prédécesseurs.

La révolution immobile

Depuis 2004, les “mouvements de redressement”, “initiatives de sauvegarde” et autres “appels au réveil” se succèdent dans le FLN comme les saisons d’une mauvaise série politique. Rien n’y fait. Le script est toujours écrit ailleurs, entre les couloirs de la Présidence et les bureaux feutrés des généraux.

Le FLN n’est plus un parti, c’est une fonction. Il ne sert ni à penser, ni à proposer , il occupe. Il meuble. Il récite. Il fait semblant.

Mais rassurez-vous , la coordination pour le sauver, elle, est bien réelle. Elle a même un logo, un site web… et un profond respect pour les lignes rouges.

En Algérie, même les naufrages se font sous contrôle. Et le FLN, fidèle à lui-même, coule lentement, avec dignité — et en costume trois-pièces.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.