L’Afrique selon le Maroc : un avenir à construire, pas à commenter
Bouchaib El Bazi
En ce 25 mai, à l’occasion de la Journée de l’Afrique, le Maroc n’a pas sorti simplement les drapeaux ni improvisé un discours creux. À Rabat, c’est une déclaration de vision qu’a livrée le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, rappelant — avec la fermeté d’un constat et l’enthousiasme d’un engagement — que pour le royaume, l’Afrique n’est ni un slogan ni une posture diplomatique, mais une priorité stratégique portée au plus haut niveau de l’État.
“Le Roi Mohammed VI a fait de l’Afrique une priorité constante de la politique étrangère du Royaume”, a déclaré le chef de la diplomatie marocaine. Et cette priorité, loin de se limiter aux discours solennels, se traduit par un engagement quotidien, à la fois économique, sanitaire, éducatif et géopolitique.
Le thème choisi cette année pour célébrer cette journée — « Intégration et développement en Afrique : accélérer les connexions et la coopération intra-africaine » — n’aurait pu mieux tomber. Il incarne la vision du souverain marocain, qui insiste depuis des années sur la nécessité de bâtir une Afrique des synergies plutôt qu’une Afrique des rivalités.
De la solidarité de principe à l’intégration concrète
Pour Bourita, il ne suffit plus de parler d’unité africaine avec nostalgie ou bons sentiments. Il faut, dit-il, “une mobilisation générale, une action concrète” pour passer des vœux pieux aux réalisations tangibles. Et de rappeler ce paradoxe cruel , l’Afrique ne représente que 3 % du commerce mondial et à peine 17 % de son commerce est intra-continental. Une statistique qui, à elle seule, résume l’ampleur du chantier.
“Aujourd’hui, transformer cette réalité n’est plus une question d’orgueil, mais de survie”, martèle le ministre. Car pendant que le monde s’accélère, l’Afrique, elle, tergiverse encore entre dépendance chronique et velléités d’autonomie.
Le Maroc, partenaire fiable… et pragmatique
Nasser Bourita n’a pas manqué de souligner que le Maroc ne prétend pas offrir un modèle miraculeux. Il propose plutôt une méthode , celle du partenariat fiable, de l’investissement structurant, et de la fidélité aux engagements. Le Royaume agit, construit, investit — et ce, sans attendre l’occasion d’une crise ou d’une élection.
Il a évoqué plusieurs initiatives concrètes, comme la livraison de vaccins pendant la pandémie, les investissements dans les infrastructures médicales et éducatives, ou encore des projets à haute valeur ajoutée tels que le gazoduc Nigeria-Maroc, ou l’initiative des États africains atlantiques.
Ce n’est pas de leadership que le Maroc rêve, affirme Bourita, mais de convergence. “Nous ne cherchons pas à nous imposer, mais à proposer”, a-t-il résumé, dans une formule qui illustre bien la diplomatie proactive du royaume, loin des gesticulations creuses.
L’Afrique de demain : souveraine ou spectatrice ?
Plus qu’un discours, c’est une feuille de route que le Maroc dessine pour le continent. Bourita appelle à une “électrochoc de l’intégration”, un sursaut collectif porté par les Africains eux-mêmes, qui doivent rompre avec les logiques fragmentées, les agendas dictés par d’autres, et les divisions héritées d’un autre temps.
“La souveraineté africaine ne se décrète pas, elle se construit”, a-t-il insisté, en appelant à renforcer la sécurité énergétique, la souveraineté alimentaire et la numérisation des administrations. Et surtout, à faire tomber les barrières — tarifaires et mentales — qui freinent encore la Zone de libre-échange continentale africaine.
Une Afrique des actes, pas des intentions
Bourita a formulé un appel clair , passons de l’Afrique des bonnes intentions à celle des bonnes pratiques. Car le développement du continent ne pourra se faire ni par procuration, ni au rythme des discours paternalistes. Il ne viendra pas de l’extérieur, mais d’un sursaut collectif, porté par une foi lucide en les potentialités africaines.
Le Maroc, quant à lui, affirme être prêt. Non pas pour diriger, mais pour unir. Non pas pour capter, mais pour construire. Non pas pour séduire, mais pour agir.