Dans l’ombre de la souveraineté : Yassine Mansouri et Abdellatif Hammouchi, les gardiens silencieux du royaume
Bouchaib El Bazi
À l’heure où les menaces transnationales s’intensifient et redessinent les frontières de la sécurité mondiale, le Maroc a choisi de se prémunir non pas par le fracas des armes, mais par la discrétion implacable d’hommes d’État rares, tissés de loyauté et de retenue. Parmi eux, deux figures se détachent, loin du tumulte médiatique , Mohamed Yassine Mansouri et Abdellatif Hammouchi, piliers de l’architecture sécuritaire du royaume.
Mohamed Yassine Mansouri : le stratège érudit des services extérieurs
Silencieux mais jamais absent, Mohamed Yassine Mansouri est le directeur général de la Direction générale des études et de la documentation (DGED) depuis 2005, et le premier civil à occuper ce poste stratégique. Né à Béjaâd en 1962, il partagea les bancs du Collège royal avec Mohammed VI, tissant ainsi une relation de confiance qui perdure.
Avant de prendre les rênes de l’appareil de renseignement extérieur, Mansouri s’est distingué par son passage à la tête de l’Agence Maghreb Arabe Presse (MAP), où il a orchestré une réforme en profondeur entre 1999 et 2003, puis à la Direction des affaires générales au ministère de l’Intérieur, où il a supervisé les élections de 2003 et dialogué avec des formations politiques aussi diverses que le Parti de la Voie Démocratique.
Mansouri, homme de culture et de stratégie, a joué un rôle discret mais central dans la redéfinition de la souveraineté sécuritaire marocaine en Afrique et dans la bande sahélo-saharienne. Grâce à un réseau de coopération renforcé avec les grandes puissances (États-Unis, France, Espagne), le Maroc est aujourd’hui un acteur majeur du renseignement régional.
La reconnaissance ne s’est pas fait attendre : en décembre 2023, le président roumain lui a remis la décoration de l’Étoile de Roumanie pour son rôle dans la libération d’un officier enlevé par un groupe terroriste sahélien.
Abdellatif Hammouchi : l’œil vigilant de la sécurité intérieure
S’il est un homme dont l’efficacité suscite respect et admiration au-delà des frontières, c’est bien Abdellatif Hammouchi. Originaire de Beni Ftah, près de Taza, ce haut fonctionnaire incarne la nouvelle ère de la sécurité intérieure marocaine. Il dirige à la fois la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) — un cumul rarissime, fruit d’une confiance royale absolue.
Formé à l’université de Fès, Hammouchi rejoint la DGST en 1991. Très tôt, il se spécialise dans le suivi des mouvances islamistes radicales, se forgeant une réputation d’expert minutieux. Son ascension fulgurante repose sur une rigueur de moine et une endurance à toute épreuve , il est dit qu’il n’a pas pris de congés depuis deux décennies.
Sous sa direction, les forces de sécurité marocaines ont démantelé d’innombrables cellules terroristes, souvent avant même leur passage à l’action. Hammouchi a également entrepris de moderniser les structures policières, d’améliorer la formation, et d’instaurer une nouvelle culture du renseignement fondée sur le droit, la transparence et la coopération internationale.
Une reconnaissance internationale sans précédent
L’action de ces deux hommes, souvent invisible pour le grand public, a placé le Maroc au cœur de la diplomatie du renseignement. À plusieurs reprises, leurs services ont été salués par des partenaires internationaux. L’exemple le plus marquant reste l’aide précieuse apportée par Rabat à Paris lors des attentats de novembre 2015. Hammouchi recevra plus tard la Légion d’honneur française, après avoir été la cible de poursuites judiciaires controversées à Paris en 2014.
En 2019, suite aux attentats au Sri Lanka, les renseignements marocains furent parmi les premiers à transmettre des informations clés aux autorités locales, confirmant l’importance de leur réseau global.
Le choix du renseignement contre la militarisation
Face à la stratégie algérienne de militarisation dans la lutte contre le terrorisme, Rabat a misé sur l’intelligence discrète. Sous l’égide de Mansouri et Hammouchi, le Maroc a non seulement sécurisé ses frontières mais aussi offert un appui décisif dans des opérations menées au Mali, au Burkina Faso, ou encore au Niger. Plusieurs rapports présentés aux Nations unies ont d’ailleurs mis en lumière les liens inquiétants entre certains éléments du Front Polisario et des groupes djihadistes sahéliens.
Le message est clair ، la souveraineté marocaine se défend non par le vacarme des armes, mais par la perspicacité, l’analyse et une coopération transfrontalière maîtrisée.
Le Maroc, sentinelle moderne d’un monde instable
Mohamed Yassine Mansouri et Abdellatif Hammouchi incarnent deux facettes d’un même engagement : protéger un royaume en pleine mutation, dans un monde aux menaces diffuses. Leur œuvre est celle du silence et de l’efficacité, dans un équilibre subtil entre tradition d’État et innovation sécuritaire. Ils sont, pour reprendre les mots d’un diplomate européen, “la meilleure réponse du Maroc au chaos ambiant”.