Kenya ouvre (enfin) son ambassade à Rabat : quand Nairobi range le sabre pour la boussole diplomatique
Bouchaib El Bazi
Par les temps qui courent, les miracles diplomatiques ne tombent plus du ciel , ils arrivent par vol régulier, avec tapis rouge et communiqués bien lustrés. Ce lundi, Rabat s’apprête à dérouler l’un de ces tapis en l’honneur de Musalia Mudavadi, ministre des Affaires étrangères du Kenya, attendu pour inaugurer en grande pompe la toute première ambassade de son pays au Maroc.
Oui, vous avez bien lu , le Kenya, ce même pays qui, pendant des décennies, jonglait entre neutralité proclamée et clins d’œil appuyés à la cause séparatiste du polisario, semble vouloir troquer ses habits de funambule pour un costume taillé sur mesure dans les ateliers feutrés de la realpolitik.
Selon le très sérieux journal kenyan The Eastleigh Voice – qu’on jure ne pas avoir inventé pour l’occasion – l’ambassadrice Jessica Gakinya, fraîchement accréditée à Rabat, a déjà envoyé ses cartons d’invitation pour la cérémonie d’ouverture. En guest-star , Nasser Bourita, chef de la diplomatie marocaine, connu pour faire plier des positions plus rigides que l’acier congolais.
L’événement a tout d’un tournant. Car enfin, le flou artistique dans lequel Nairobi baignait depuis des lustres au sujet du Sahara occidental laissait croire que la boussole kenyane était restée coincée sur “mode aléatoire”. Mais voilà que le vent tourne, et pas seulement du côté de l’océan Indien. Ce réajustement discret – mais hautement symbolique – laisse penser que le Kenya cherche désormais à ne plus être simplement “africain solidaire”, mais “africain stratégique”.
Faut-il y voir une reconnaissance implicite des intérêts mutuels entre Rabat et Nairobi ? Ou, plus prosaïquement, la prise de conscience qu’on ne fait pas de croissance avec des slogans creux, mais avec des partenariats concrets, une balance commerciale équilibrée, et des ambassades qui ne dorment pas à l’hôtel ?
Dans tous les cas, l’ouverture de cette ambassade sonne comme un adieu discret aux nostalgies idéologiques d’un autre siècle. Un geste qui, sans grande déclaration fracassante, en dit long sur l’évolution des mentalités africaines , moins d’embrassades révolutionnaires, plus d’accords bilatéraux.
Alors, rendez-vous lundi, pour une cérémonie où l’on sabrera peut-être le champagne… mais sûrement pas les relations avec le Maroc.